28 juillet 2008

Perevoz Dada (ce qui est rare est cher)

Transbordeur Dada n° 1 (Berlin, juin 1922)
Transbordeur Dada n° 4 (Paris, avril 1924)
Je songe parfois à la somme astronomique dont je devrais disposer pour acquérir quelques documents originaux de chacun des signataires de L’Œil cacodylate. Un bel exemple vient de m’être donné aujourd’hui, qui me fait découvrir par la même occasion deux couvertures de la revue de Serge Charchoune, Transbordeur Dada. Le libraire proposait, début mai 2008, les numéros 1 et 4 pour, respectivement, les sommes de 3500 et 2500 USD. Posséder n’est pas le but de l’opération. Cependant, pouvoir manipuler un peu de « papier magique » permettrait parfois d’appréhender son sujet plus concrètement, avec un peu plus de « sensibilité ».

27 juillet 2008

et plus tard en été

En attendant de recevoir : - Jean Cocteau (biographie) par Claude Arnaud (Gallimard, 2003) - Moi, Fatty (biographie sous la forme d’un polar consacrée à Roscoe Conkling Arbuckle) alias Roscoe “Fatty” Arbuckle, a.k.a. Fatty (Rivages, 2007) -Isadora Duncan, roman d’une vie par Maurice Lever (Presses de la Renaissance, 1986) - Nous les Fratellini par Albert Fratellini (Grasset, 1955) - Ma vie heureuse par Darius Milhaud (Belfond, 1973), voici la couverture (retrouvée) du n° 5 de L’Esprit nouveau *,
Paul Dermé (anonyme, s.d.)
cette fameuse revue dirigée par Paul Dermée au début des années 20. En attendant également d’en savoir un peu plus sur le texte de Raymond Creuze (marchand de Charchoune entre 1930 et 1944) qui accompagne son catalogue raisonné consacré à l’artiste russe **, j’aimerai signaler le très beau et très saisissant texte d’Edouard Levé, intitulé Suicide (P.O.L, Paris, 2008). *** Enfin, pour ceux que l’idée de la fin repousserait, je signale, sans l’avoir vu, un spectacle qui se joue actuellement jusqu’au 2 août (festival d’Avignon) :
Le travail avance un peu. Je pense, prématurément, aux annexes, qui seraient constituées, entre autres, du court texte de Marie de la Hire consacré à Picabia (1920) et de celui de Paul Dermée intitulé Spirales (1917). J'attends aussi un catalogue de vente (Artcurial) au sein duquel Valentine Hugo occupe une place non négligeable.
* « L’Esprit nouveau et les poètes » est le titre d’une conférence donnée par Guillaume Apollinaire le 22 novembre 1917 au théâtre du Vieux-Colombier (Paris). La revue L’Esprit nouveau compta 28 numéros, publiés entre octobre 1920 et janvier 1925. Amédée Ozenfant et Charles-Édouard Jeanneret-Gris (Le Corbusier) prirent la direction de la revue à la suite de Paul Dermée. Le numéro 26 (octobre 1924) fut entièrement consacré à Guillaume Apollinaire.
** L’excellent blog Bibliophilie russe (précédemment linké sans le citer directement - et c’est donc chose faite) propose notamment quelques documents accompagnés d’indications biographiques sur S. Charchoune. *** "Ta douleur s'apaisait avec la tombée de la nuit. La possibilité du bonheur commençait à cinq heures en hiver, et plus tard en été." É. Levé, op.cit., p.45.

24 juillet 2008

Mon cœur bat (Valentine Hugo II)

Valentine Hugo, signature sur L'Œil cacodylate
Décembre 1921. Le cœur de Valentine « bat » pour Jean. Depuis son mariage avec l’arrière-petit-fils de Victor Hugo, elle semble moins produire. Darius Milhaud révéla en 1973 * quelques aspects de la période : « Pendant deux ans, nous nous retrouvâmes régulièrement chez moi, tous les samedis soirs. Paul Morand faisait des cocktails […] Il n’y avait pas que des compositeurs parmi nous mais aussi des interprètes […] ; des peintres : Marie Laurencin, Irène Lagut, Valentine Gross, la fiancée de Jean Hugo […] Après le dîner […] nous allions à la Foire de Montmartre, et quelquefois au cirque Médrano pour assister aux sketches des Fratellini qui dénotaient tant d’imagination et de poésie qu’ils étaient dignes de la commedia dell’arte. Nous terminions la soirée chez moi. » En 1947, dans le numéro 17 de la revue Graphis, Valentine Hugo signe un article sobrement intitulé « Jean Hugo : les décorations théâtrales » et fait revivre, de son côté, les premières années 1920 : « Avec ce que crée Jean Hugo, il y a toujours une sorte de conflit. Il circule dans ses inventions théâtrales […] un air vif et frais venant de loin, qui chasse la poussière des vieilles habitudes visuelles. Ses premiers projets pour le théâtre datent de 1921. C’était aussi l’époque de ses premiers tableaux tout rayonnants de lumière. Ils étaient de petite dimension, peints à la gouache, à l’œuf, ou à la tempera, avec cette aisance dénuée de petitesse qu’il apporte en tout ce qu’il dessine. […] Il y eut d’abord, en 1921, les projets de costume pour Mme Caryathis
La danseuse Caryathis
La danseuse Caryathis **
qui devait danser La Belle Excentrique d’Erik Satie. […] Cette même année, Raymond Radiguet, qui avait alors dix-sept ans ***, demanda à Jean Hugo de lui peindre la table de billard qui devait être le fond du décor de sa pièce Les Pélicans [sic] ; mais je laisse ici raconter Jean Hugo : “En mai 1921, on représenta Les Pélicans [sic]
Raymond Radiguet, Les Pélican, éditions de la Galerie Simon, Paris, mai 1921.
Pièce en deux actes illustrée d'eaux fortes par Henri Laurens.
au théâtre Michel dans le spectacle bouffe organisé par Pierre Bertin et Jean Cocteau. Il fallait un billard ; Radiguet me demanda de le dessiner. Je fis une petite gouache que je portai à l’atelier de décors, avec les dimensions que devait avoir le châssis. Le surlendemain, j’allai voir le décor exécuté : il me sembla beau. Les gouaches que je faisais alors n’étaient guère plus grandes que des timbres-poste et j’étais émerveillé d’en voir une agrandie à des proportions aussi monumentales. A la répétition qui suivit, on apporta sur la scène le billard, qui devait occuper le fond du théâtre. Il y eut un éclat de rire général. Le billard avait l’air d’une boîte d’allumettes. Il fallut le refaire beaucoup plus grand. Deux jours après, le rideau tomba sur Les Pélicans [sic] au milieu d’un grand silence et d’une profonde stupeur. Après le spectacle, Radiguet me dit avec sa gravité ordinaire : - C’est votre billard qui m’a perdu, il fallait le laisser petit comme il était d’abord ” ».
Pablo Picasso et Olga. En arrière-plan : Jean Hugo (Juan les Pins, circa 1926)
* Darius Milhaud, Ma vie heureuse, Paris, Belfond, 1973, p. 64.
** [Première rencontre [avec Marcel Jouhandeau] chez Marie Laurencin, d’Élisabeth-Claire Toulemon, dite Élise, née à Mariol (Galande, en littérature ), Allier, le 8 mars 1888. « Elle connaît d’abord une enfance triste et misérable, puis, élève de Staats, va faire carrière dans la danse sous le nom de Caryathis. Elle débute sur scène en 1911, au théâtre des Arts, dirigé par Rouché, dans Le Palais de Han de Laloy, avec pour partenaires Dullin, Jouvet, Escande. Prend part à diverses créations de Poulenc, Auric et Ravel, et surtout se taille un beau succès dans La Belle Excentrique d’Éric Satie (1925). Elle connaît cependant des aventures mouvementées, partage la vie intime de Dullin, se mêle à l’agitation de Montmartre et de la Rive gauche, fait la rencontre d’êtres exceptionnels : Nijinsky, J. Cocteau, P. Morand, M. Jacob, H. Herrand, R. Crevel, etc. Elle raconte cette existence aventureuse, alternant première et troisième personne dans Joies et douleurs d’une belle excentrique (Flammarion, 1952-1960).
Extrait du Dictionnaire bibliographique des auteurs creusois. A. Carriat.]
Le 4 juin 1929, Mariage à Saint-Honoré-d’Eylau. Témoins de Marcel [Jouhandeau]: Marie Laurencin, Gaston Gallimard et témoins d’Él(i) (y)se [Caryathis] : Jean Cocteau, René Crevel. Installation rue du Commandant Marchand, près de la Porte Maillot, jusqu’en novembre 1960.
http://www.rencontres-chaminadour.com/jouhandeau.php
*** Né le 18 juin 1903, Radiguet avait alors 18 ans.

22 juillet 2008

Elle m’envoya ensuite des livres … (Valentine Hugo I)

Au début des années 1910, Valentine Gross reçoit dans son appartement du quai Bourbon des personnalités très diverses. Chaque mercredi, c’est un peu la fête : Edgar Varèse, Maurice Ravel, Erik Satie, Marcel Proust, Léon-Paul Fargue, Jean Cocteau, Roger de la Fresnaye, pour ne citer que les têtes les plus connues, viennent converser et tenir compagnie à la future Valentine Hugo, qui à cette époque se consacre essentiellement à la gravure sur bois. En 1913, année où Valentine rencontre Maurice de Brunhoff (directeur de Comœdia illustré), rien n’est joué. Jean Hugo : « Un dimanche du mois de mars 1917, au cours d’une permission, j’étais retourné rue d’Athènes. Sur le canapé de cuir de la salle à manger (…) était assise une jeune femme au long cou, vêtue de taffetas noir et piqué de blanc. C’était Valentine Gross. Je connaissais ses peintures des Ballets russes mais je ne l’avais jamais vue (…). Elle m’envoya ensuite des livres et nous échangeâmes quelques lettres. (…) je lui rendais visite rue Montpensier, au Palais Royal, dans l’appartement où elle venait de s’installer. Paul Morand habitait au même étage de la maison voisine. » *

Jean Hugo, Valentine Hugo et Paul Morand, circa 1921

Le 7 août 1919, Jean Hugo et Valentine Gross se marièrent. Ils n’eurent aucun enfant. Le mariage est célébré à la mairie du Ier arrondissement de Paris. Valentine a choisi pour témoins Jean Cocteau et Erik Satie. [à suivre]

* Jean Hugo, Le regard de la mémoire, Arles, Actes Sud, 1983.

09 juillet 2008

Très rare (1917)

En parcourant des catalogues de libraires, j'ai pu récemment découvrir un ouvrage de Paul Dermée qui m'était inconnu jusque là. En attendant d'en savoir un peu plus sur le texte en question (j'espère que le libraire, qui propose ce livre pour la modique somme de 900 euros, aura l'amabilité et la patience de me fournir quelques informations supplémentaires), voici la description de l'opus issue du catalogue de la librairie Le Galet (75016 Paris) : Paris, Birault, 1917. In-8 broché, couverture imprimée, non paginé. Edition originale tirée à 225 exemplaires numérotés à la main (5 Japon, 20 Hollande, 200 Alfa vergé). L'un des 200 Alfa vergé en parfaite condition. Spirales appartient à ces quelques essais de cubisme littéraire auquel se sont aussi essayés Apollinaire, Reverdy et Max Jacob, tous trois amis de Dermée. Superbe typographie de Birault, l'imprimeur de Max Jacob. Très rare.

04 juillet 2008

Valentine et Jean

Entre avant-hier et aujourd’hui, trois volumes consacrés à Valentine Hugo me sont parvenus, et c’est encore un peu (beaucoup) de temps à passer que de comparer et recouper dates et anecdotes. « Dans de petits carnets, elle accumule les croquis des danseurs en mouvement et surtout de Nijinski qu’elle représente dans toutes ses danses : Shéhérazade (1910), Le Spectre de la rose (1911), Petrouchka (1911), ou L’Après-midi d’un faune (1912). C’est à partir de ses dessins “aide-mémoire” que moins de quatre ans après la première représentation des Ballets russes, elle peut exposer à la galerie Montaigne, à l’intérieur du tout nouveau théâtre des Champs-Élysées, ses “Etudes de danses d’après Karsavina, Nijinski, Isadora Duncan”. » Béatrice Seguin in Valentine Hugo. Ecrits et entretiens suivi de Valentine Hugo et le surréalisme. Actes Sud / Bibliothèque de Boulogne-sur-Mer, 2002, p. 11.
* * *
Pour l’heure, trouver un croquis de Valentine Hugo représentant Isadora Duncan serait une bonne affaire. Ceci constitue un appel ! Après plus d’une heure de recherche, il m’est impossible de remettre la main sur une couverture de L’Esprit nouveau reproduite dans un catalogue de vente. C’est donc un peu plus tard que j’évoquerai, à nouveau, Serge Charchoune.

Valentine Hugo, Raymond Radiguet et Jean Hugo (vers 1921)

Salle à manger de l'appartement [Valentine Hugo] du 11, rue Chateaubriand (circa 1922) © Vizzavona

01 juillet 2008

Iiazd (1923)

La monographie idéale présenterait en premier lieu son sujet sous la forme d’un document, d’une photographie, d’un fac-similé, et ce en l’absence de tout cadre discursif. On présupposerait un œil sauvage. Eventuellement précédé d’une courte introduction (puisque l’œil sauvage n’existe pas), le sujet serait donné à voir, tel quel, en l’absence de toute indication supplémentaire. Seule une direction de regard, une méthode de lecture, serait mise en avant, mais en l’absence de toute note de bas de page, de tout commentaire parasite. Evidemment, une grille serait déjà active et commencerait, déjà, à introduire le beau sujet. Viendrait ensuite l’exposé.




Ledentu le Phare, Iliazd, éditions Allia, Paris, 1995

S’il n’existe sans doute pas de monographie idéale, celle que publièrent les éditons Allia en 1995 s’en approche de très près. Ledentu le Phare, œuvre complexe composée par Iliazd

Couverture de Ledentu le Phare (Ilazd, 1923)

(Ilia Zdanevitch, 1894 - 1975) fut en effet reproduite par Allia. « Promenade autour de Ledentu le Phare », éblouissante et indispensable étude signée Régis Gayraud, analyse avec force détails l’opus précité. Plus de 70 pages d'analyse nous permettent d'appréhender l'importance d'un livre fondamental, publié à 530 exemplaires au début des années 20.

C’est avant tout à ce texte que je pensais en écrivant les premiers mots de ce billet. J’ai peu après repensé au dernier livre de Jean-Christophe Bailly, intitulé L’instant et son ombre. Autre étude de sujet, autre étude indispensable.

Jean-Christophe Bailly, L'instant et son ombre, Le Seuil, 2008.

Si, dorénavant installé, l’été avignonnais, avec ses 35 ° journaliers, a tendance à m’assommer, il ne m’empêche pas pour autant de me souvenir par la même occasion d’une autre somme, celle que signa André Chastel en 1983 et qui illustre à mon sens l’idée de monographie, d’étude pleine :

André Chastel, Chronique de la peinture italienne à la Renaissance (1280-1580), éd. Office du Livre, Fribourg, 1983