31 décembre 2008

La signature, le nom de l'auteur, est la partie la plus importante d'une œuvre, la figuration de son sens dans la vie, la clef. (Robert Desnos)*

Moins connue que bon nombre de suicidés célèbres, Céline Arnauld pourrait à bon compte figurer dans la longue liste des suicidés dressée par Ben ** et dont Jean-Luc Bitton donne le détail dans son dernier billet. Quelques textes, une revue au numéro unique, quelques volumes au tirage restreint ne sauraient résumer Céline Arnauld (36 ans au temps de L’Œil cacodylate) qui mit fin à ses jours le 23 décembre 1952, peu de temps après le décès de son mari Paul Dermée, dont j’ai un peu parlé précédemment mais sans avoir cité, me semble-t-il les Documents Internationaux de l’Esprit Nouveau. Au sommaire du n° 1 (et seul paru) de Documents Internationaux de l’Esprit Nouveau ***, édité par Paul Dermée et Michel Seuphor à Paris en 1927 : Hans Arp, Céline Arnauld, Willi Baumeister, Marcel Breuer, Paul Dermée, Albert de la Salpétrière, Pierre Flouquet, Luciano Folgore, Gildvinger, Walter Gropius, Attila Jozsef, Paul Joostens, André Kertèsz, Syrjusz Korngold, Maurice Lavergne, Fernand Léger, Ladislas Medgyés, Lucia Moholy, Moholy-Nagy, Piet Mondrian, F. T. Marinetti, Enrico Prampolini, Platon, Sotgia Rovelli, Etienne Rajk, Robert Rist, Seuphor, Victor Servanckx, Kurt Schwitters, Szivesy, Saint Paul, Saint Just, Tristan Tzara, Herman Vonck, Vordemberge Gildewart. Mais une image vaut mieux qu’une suite de mots :

Paul Dermée par Juan Gris (1925), pour Céline Arnauld

Pensant à Céline Arnauld, m’est venue l’idée de transcrire son « Ombrelle Dada » (« s.l.n.d. », i.e. circa 1920-1921) qui figure dans la Bibliothèque Jacques Doucet à Paris :

Ombrelle Dada Vous n’aimez pas mon manifeste ? Vous êtes venus ici pleins d’hostilité et vous allez me siffler avant même de m’entendre ? C’est parfait ! Continuez donc – la roue tourne, tourne depuis feu Adam, rien n’est changé, sauf que nous n’avons plus que deux pattes au lieu de quatre. Mais vous me faites trop rire et je veux vous récompenser de votre bon accueil, en vous parlant d’Aaart, de Poéésie et d’etc. d’etc. ipécacuanha. Avez-vous déjà vu au bord des routes entre les orties et les pneus crevés, un poteau télégraphique pousser péniblement ? Mais dès qu’il a dépassé ses voisins, il monte si vite que vous ne pourriez plus l’arrêter … jamais ! Il s’ouvre alors en plein ciel, s’illumine, se gonfle, c’est une ombrelle, un taxi, une encyclopédie ou un cure-dent. Etes-vous contents maintenant ? Eh bien, c’est tout ce que j’avais à vous dire – c’est ça la Poéésie, croyez-moi. Poésie = cure-dent, encyclopédie, taxi ou abri-ombrelle, et si vous n’êtes pas contents … A LA TOUR DE NESLE Pour finir, il me plaît et m’importe de signaler deux livres :

et

parce que Perec, mais aussi parce que Pierre Senges a l’honneur et l’avantage de faire partie des rares écrivains de notre époque.

Je profite de cette fin d'année pour remercier chaleureusement les lecteurs de ce blog et pour les inviter à me faire part de leurs remarques à l'adresse suivante : fabrice.lefaix@voila.fr.

* Robert Desnos cité par Michel Sanouillet in Dada à Paris, CNRS éditions, 2005, p. 250.

** L’exposition Ben intitulée « Ils se sont tous suicidés » se tiendra à la Galerie Daniel Templon (30, rue Beaubourg, 75009 Paris) du 10 janvier au 21 février 2009. L’entrée est annoncée « libre ». *** Documents Internationaux de l’Esprit Nouveau fait suite à la revue L’Esprit Nouveau (28 numéros parus entre octobre 1920 et janvier 1925).

19 décembre 2008

Jeudi 9 février 1921 depuis le 14 de la rue Emile Augier (Paris XVI)

Dans un post du 15 juin 2005, je notais imprudemment que Pierre de Massot était hébergé par Picabia "dès novembre 1921". Les archives de la Bibliothèque Doucet me donnent tort : si nous examinons de près cette "lettre autographe avec dessins [Album Picabia]" reproduite dans la catalogue Dada (Editions du Centre Georges Pompidou, Paris, 2005, p. 671), nous constatons non seulement la date du jeudi 9 février 1921 [14, rue Emile Augier (XVI) : i.e. domicile de Francis Picabia] mais également une mention fort intéressante : "au bar du Bœuf sur le Toit" - deux indications en l'honneur desquelles nous organisons ce soir une petite fête agrémentée notamment d'olives noires et de rollmops à la crème fraîche.

18 décembre 2008

Rions un peu avec les keupons

« A Zurich, le Cabaret Voltaire connut un succès immédiat. D’une capacité de cinquante places, il était plein tous les soirs. Il y eut d’abord des étudiants, qui buvaient, fumaient et saccageaient la salle ; puis des citoyens, la « bourgeoisie » injuriée, des curieux, puis, finalement, comme au Roxy en 1977, des touristes japonais. Il y avait tellement d’habitués que presque personne ne payait ; une variante de la vieille blague punk : combien faut-il de punks pour changer une ampoule ? Un pour tenir l’échelle, un pour dévisser l’ampoule, et cinquante sur la liste des invités. » Greil Marcus, Lipstick Traces – Une histoire secrète du vingtième siècle, [Allia, 1998] Gallimard, coll. Folio Actuel, 2000, p. 255

16 décembre 2008

Il avait de belles mains, il avait de beaux gestes

En feuilletant à nouveau Duchamp : passim. A Marcel Duchamp anthology *, j’ai retrouvé cette surprenante photographie de Gabrielle Buffet
qui avait alors 102 ans [©]:
A l’exception du texte de Maria Lluïsa Borràs (« Une jeune femme appelée Gabrielle Buffet ») **, je ne dispose que de très peu de renseignements sur Gabrielle Buffet. En revanche, on peut l’entendre dans l’émission Relecture *** parler de Francis Picabia, peu de temps après la publication de son volume intitulé Rencontres :
Premières notes sur Gabrielle Buffet : Gabrielle Buffet (1881 – 1985) Rencontre Francis Picabia durant l’été 1908. S’inscrit à la Schola Cantorum (qui ouvre en 1896 et qui est à l’époque l’institution rivale du Conservatoire). Elève de Vincent d’Indy qui dirige cette institution à partir de 1897. [à vérifier]

A la Schola Cantorum du 269, rue Saint Jacques (Paris, 1899). A la gauche de G.B. se trouvent Pierre Lalo et Vincent D'Indy. (Détail) Elle part pour Berlin afin de perfectionner sa pratique et ses connaissances musicales. Elle a pour maître Busoni. [à vérifier] Met fin à sa carrière peu après sa rencontre avec Picabia. Rencontre Apollinaire en juillet 1912 (Hyte, Angleterre) Début 1914, elle publie un article dans les Soirées de Paris, intitulé « Musique d’aujourd’hui ». Publie « Marie Laurencin » dans The Blind Man (n° 2, 1917) [demander à M. V. un scan du fac similé de ce numéro publié par Arturo Schwarz]. Accompagne Picabia à Zurich en janvier 1919 et y rencontre Tristan Tzara. Publie « Petit manifeste » dans Dada n° 4-5 (Zurich, 1919) Publie « Portrait dédié à l’espagnol » dans 391 (n° 10, décembre 1919). Ecrit la préface pour Jésus-Christ rastaquouère (publié à Paris en 1920). Fréquente Igor Stravinsky dans les années 30. Elle publie des articles, dans la presse américaine en particulier, mais n’y accorde que peu d’importance. G.B. sur Picabia : « Que de gens n’a-t-il pas scandalisés en professant que ce qui l’intéressait le plus à New York, c’était le jazz (qui n’avait pas encore traversé l’Atlantique), le cinéma et les ponts de fer, celui de la 59è rue particulièrement. On prenait ses déclarations pour du bluff, mais elles correspondaient pourtant à la vérité. » « Introduction de l’art moderne aux Etats Unis » in Rencontres, Pierre Belfond, 1977, p. 183. (Initialement publié dans Information et Documents, n° 59, 1er janvier 1957. Trad. de l’anglais par Adélie Hoffenberg. * Anthony Hill ed., Gordon and Breach Arts International, 1994. ** Rencontres, op. cit., pp. 13-23 [Trad. de l’espagnol par Antoine Berman]. Rencontres est l'édition complétée du recueil de Gabrielle Buffet intitulé Aires abstraites et publié initialement à Genève chez Pierre Cailler, coll. Les problèmes de l'art, 1957. D’autres indications biographiques sont disponibles dans le Picabia de Maria Lluïsa Borràs publié par Albin Michel en 1985. [Trad. de Robert Marrast]. *** L’intégralité de l’émission (France Culture, 1978) est disponible ici, grâce à Fabrice Pascaud.

13 décembre 2008

Marcel Duchamp, Francis Picabia et Béatrice Wood (Coney Island, New York, 1917)
Il faudrait pouvoir, impunément, combler certains vides biographiques par de la fiction (faire en sorte que tout le monde y adhère) et accommoder nos broderies dans le seul dessein qu’elles passent pour du vécu pur choix. Inversement, on ferait passer le « trop plein » de certaines vies bénies des anges pour de la fiction – tant la vie est souvent mal faite. Rétablir l’équilibre, pour ainsi dire.

02 décembre 2008

Le Bœuf en ses avatars

Avant de dire quelques mots sur la vie tendre et cruelle de Gerald et Sara Murphy, voici deux images relatives au Bœuf sur le toit, chacune accompagnée d'un document sonore où le cabaret parisien est évoqué par Jean Wiener (qui y fut pianiste en son temps, aux côtés de Clément Doucet) et Jean-Marie Drot. On reconnaîtra facilement la voix de Man Ray (1961) évoquant Jean Wiener au Bœuf d'antan.

Publicité bilingue pour Le Bœuf sur le toit (1941 - 1942)

Le Bœuf sur le toit à Bruxelles. Document aimablement communiqué par Sophie P. (Bruxelles)