13 décembre 2009

Sacré Francis !

Juliette Roche devant L’Œil cacodylate, évoquant Dada à New York à l'âge de 87 ans
Vous avez été très liée, évidemment, avec Marcel Duchamp, Picabia et Gabrielle Buffet. Je suppose que vous avez beaucoup d’anecdotes sur eux et sur cette période.

D’abord les persécutions de Picabia, qui me persécutait avec insistance. Il n’aimait pas du tout la guerre, moi non plus, mais seulement, moi, j’essayais de penser à autre chose, alors je lisais, je travaillais, je ne lisais jamais les journaux. Les jours où les nouvelles étaient particulièrement mauvaises, Francis était très déprimé. Comme nous habitions la même maison, la maison qui appartenait à madame Varèse (qui n’était pas encore madame Varèse à ce moment-là, d’ailleurs), il montait un étage et il venait me trouver avec une pile de journaux et il me lisait toutes les choses les plus déprimantes. Naturellement, je trouvais ça très désagréable. Et il redescendait ensuite, disant à sa femme : « J’ai déprimé Juliette, je vais beaucoup mieux. » C’était très amusant parce que le rez-de-chaussée habité par les Picabia était quelque chose d’invraisemblable ; il avait toujours une bande de gens autour de lui, des gens assez « épaves », parmi lesquels Cravan, et tout ça déferlait toute la nuit, même s’ils avaient été ailleurs [auparavant], jusqu’à deux ou trois heures du matin … ça durait jusqu’au petit jour. [...]

in Naissance de l'esprit dada (28/03/1971). Réalisateurs : Hubert Knapp et Philippe Collin.

07 décembre 2009

Avis de recherche

On était en décembre, le froid était vif, Picabia était enveloppé de tricots et d’écharpes de laine, mais ne portait pas de chapeau. Il me serra la main avec une courtoisie tout espagnole et ignora les autres. Sa présence donnait un certain cachet au vernissage. La galerie se remplissait ; je m’étonnais qu’il y eût tant de monde et j’étais plein d’espoir. Les prix des tableaux avaient été fixés au minimum. S’ils se vendaient bien, je pourrais débuter. J’avais fait une nouvelle série de toiles plus insolites que toutes celles que j’avais peintes auparavant. Une grande partie de la conversation m’échappait, mais on me serrait beaucoup la main et je compris qu’on me faisait des compliments. Un étrange petit homme, loquace, âgé d’une cinquantaine d’années, s’approcha de moi et me conduisit devant une de mes toiles. Avec sa petite barbe blanche, son pince-nez à l’ancienne mode, son chapeau melon, son manteau et son parapluie noirs, il ressemblait à un employé de pompes funèbres ou d’une banque conservatrice. Les préparatifs du vernissage m’avaient fatigué, la galerie n’était pas chauffée ; je frissonnai et dis, en anglais, que j’avais froid. Il répondit en anglais, prit mon bras et me conduisit dehors au café du coin, où il commanda des grogs. Là, il se présenta : Erik Satie, et continua à parler en français. Je lui dis que je ne comprenais pas. Il me jeta un regard malicieux, amusé, et dit que cela n’avait pas d’importance. (Man Ray, Autoportrait, trad. Anne Guérin, Actes Sud Babel, 1998, pp. 159-160).

C'est en scannant ce catalogue de la première exposition parisienne de Man Ray que j'ai découvert qu'une de ses œuvres (n° 25 du catalogue, datée de 1922) était intitulée Isadora Duncan nue. Après avoir passé en revue la plupart des livres et catalogues consacrés à Man Ray, je lance donc un avis de recherche. Si quelqu'un pouvait me renseigner sur cette œuvre (s'agit-il d'une toile, d'un dessin ?) et, au mieux, m'en fournir une copie, ce serait Noël avant l'heure. Deux livres imposants viennent de paraître : une biographie de Satie signée Jean-Pierre Armangaud

et la Correspondance avec les artistes (1903-1918) d'Apollinaire,

respectivement 600 et 944 pages, de quoi passer l'hiver en la meilleure compagnie qui soit.