27 janvier 2009

"J'ai eu vingt ans dans les années 1980, sans doute les plus laides années depuis la Seconde Guerre mondiale"

Dada est une philosophie. Dada est une morale. Dada est un art, l’art d’être sympathique dans un temps où toute supériorité est devenue insupportable et où toute grandeur humaine semble une facétie. Dada est la fleur des ruines, non pas la petite fleur bleue de l’optimisme que les poètes veulent cueillir dans les décombres d’une civilisation, mais une azalée, une aride azalée qui plutôt que d’implorer une pluie de sang cherche à s’abreuver de sécheresse. Paul Neuhuys (Éd. Ça Ira !, 1923), in revue Plein Chant n° 39-40, « Dada Pansaers », Meeting pansaérien organisé & présenté par Marc Dachy, Châteauneuf-sur-Charente, 1988, p. 133. Ce numéro de la revue Plein Chant,

alors que je ne l’attendais plus. Mais je suis toujours dans l’attente des lettres de Clément Pansaers au Docteur Schuermans. Reçu également : Sara & Gerald, Villa America and after by Honoria Murphy Donelly with Richard N. Billings [Foreword by William M. Donnely], Holt, Rinehart and Winston, New York, 1984. Le premier plat de couverture annonce la couleur : "An enchantingly candid and deeply moving portrait of two people whose love for life and for each other created a legend. " Tout un programme, que ne dément pas la 4ème de couverture, qui titre : "A very personal memoir by the daughter of the fabulous couple who made living well is the best revenge."

Trouvé dans la voiture bar d’un TGV, en direction de Paris – et retrouvé deux jours plus tard en parcourant l’exposition futuriste à Beaubourg :

Lu, cette semaine,

Liquidation de l’art de Karel Teige [traduit du tchèque et présenté par Sonia de Puineuf, Allia, 2009] où l’on trouve ceci : « Un art convenablement construit et organisé n’est que l’œuvre de la vie, le couronnement de l’existence et d’une société harmonieusement constituée. » [p. 35 – 1924]. Karel Teige, dans ce recueil de quatre textes essentiels écrits entre 1924 et 1928, cite par deux fois Flaubert : « L’art de demain sera impersonnel et scientifique. » Lu, également, Autoportrait d’Edouard Levé, où l’on trouve mille choses mais également ceci : « Je regrette de ne pas être né en 1945, j’aurais eu vingt-trois ans en 1968, j’aurais vécu la révolution sexuelle et cru en certaines utopies dans les années 1970, j’aurais gagné beaucoup d’argent dans les années 1980, dont j’aurais profité dans les années 1990, et j’aurais fini par prendre une retraite confortable et pleine de bons souvenirs dans les années 2000, malheureusement je suis né en 1965 et j’ai eu vingt ans dans les années 1980, sans doute les plus laides années depuis la Seconde Guerre mondiale. » Lu, aussi :

traduit par Etienne Dobenesque et édité par Isabella Checcaglini (Ypsilon.éditeur) qui parle tour à tour de Mallarmé, de Pasolini et d'Unica Zürn avec les yeux qui brillent (c'est bon signe). Par ailleurs, j'ai trouvé cette photographie

Schoenberg et Poulenc à Mödling (Vienne) en 1922

dans L’Album des 6 (Ornella Volta) :

publié à l’occasion de l’exposition Le Groupe des Six et ses Amis – 70e anniversaire (6 mars - 9 avril 1990, Hôtel Arturo-Lopez, Neuilly-sur-Seine).

Last but not least, Assariotakis (que je nomme ici pour ceux qui ne connaîtraient pas encore ce monstre de la littérature mondiale) a eu l’immense bonté de me remettre son dernier opus

paru chez L’une & l’autre et qu'on pourra acquérir ces prochains jours pour la somme dérisoire de 12,50 €

09 janvier 2009

Gerald & Sara, East Hampton, 1915 - 1963 (in a Mood Indigo)

Leurs images ne cessent de me fasciner. En 1915, Gerald et Sara [Murphy] ne se connaissaient qu’à peine. Les voici s’amusant sur la plage d’East Hampton –

Gerald et Sara Murphy sur la plage d'East Hampton, vers 1915

avant les histoires, les brouilles avec Francis Scott Fitzgerald et les amitiés avec Ernest Hemingway et Cole Porter. Bien avant les soirées dada, à Paris.

Sara et Gerald Murphy costumés, à l'occasion du bal donné par Etienne de Beaumont (Paris, 1924) - La photographie est probablement © de Man Ray.

Les voici à nouveau, quarante huit ans plus tard, presque au même endroit, trinquant comme aux bons vieux jours :

Gerald et Sara Murphy, Swan Cover, East Hampton, vers 1963
Entre temps, il y eut la Villa America, ce vaste chapitre.
© Estate of Honoria Murphy Donelly (1ère et 3ème photographie)

06 janvier 2009

Je vous attendrai toujours demain, vendredi, aux 2 Magots Bd St Germain – à 3 heures

Quelques nouvelles de Clément Pansaers (le gentil), au travers de cette lettre (retranscrite ici en partie) [1] adressée à Tristan Tzara le 9 mai 1921 :

Retient [ne tient ?] pas de me voir – J’ai pris, naturellement à la lettre le reproche de Breton : que mon milieu n’est pas le sien [2] J’ignore encore s’il a traduit la pensée de vous tous [3] – Je ne suis pas allé au vernissage Max Ernst –

Annonce pour l'exposition Max Ernst parue dans Littérature n° 19 (mai 1921)

n’ayant pas été invité et vu l’attitude au Sans Pareil – Les amis – [deux mots illisibles] Je tiens évidemment – comme toujours – à mon libre arbitre – et au droit d’exprimer franchement ma façon de voir, entre amis – tout en respectant les opinions de ceux-ci – Je suis péniblement impressionné de ce qu’aussi Aragon ait l’air de prendre l’incident au tragique – lui, cependant, me connaît un peu mieux – et surtout mon état tant physique que moral lamentable – Enfin ! – Je vous attendrai toujours demain, vendredi, aux 2 Magots Bd St Germain – à 3 heures – Bien affectueusement C. Pansaers Dans cette lettre, Clément Pansaers semble froissé par l’attitude d’André Breton (le méchant) dont il souligne le caractère par deux fois. « J’ignore encore s’il a traduit la pensée de vous tous » serait une phrase sibylline si je ne me souvenais (en partie) du témoignage d’un des proches de Breton, éconduit au moment où il se présenta chez lui : « Je suis en train de manger des artichauts, je ne suis pas en mesure de vous recevoir ». [4] Mais prendre Breton comme cible toute trouvée,

André Breton en homme-cible. "Festival dada", Théâtre de l'Œuvre (26 mai 1920)

après tant d’années, n’est pas une solution, car il ne faut pas oublier qu’il fut un œil, à sa manière, et que son sens esthétique éclaira ses contemporains sur l’art de leur temps. André Breton fut également un auteur de premier rang, maniant la langue française au point d’égaler Bossuet et Saint-Simon : « Pourriture, vache, enculé d’espèce française, mouchard, con, surtout con, vieille merde coiffée d’un bidet et mouchée d’un grand coup de bite. » [5] Les quatre tomes de la Pléiade permettront cependant aux boys du sévère de se faire une idée un peu plus précise au sujet du mangeur d’artichauts. [1] © Bibliothèque Jacques Doucet. Document reproduit dans Marc Dachy, Archives dada / Chronique, Hazan, 2005, p. 315. [2] et [3] souligné par Clément Pansaers. [4] Je cite de mémoire. [5] André Breton à Jean [Guérin] Paulhan, à la suite de la publication par ce dernier de son article du 1er octobre 1927 dans la NRF. Cité par Robert Kopp in Album André Breton, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2008, p. 141.