24 juillet 2008

Mon cœur bat (Valentine Hugo II)

Valentine Hugo, signature sur L'Œil cacodylate
Décembre 1921. Le cœur de Valentine « bat » pour Jean. Depuis son mariage avec l’arrière-petit-fils de Victor Hugo, elle semble moins produire. Darius Milhaud révéla en 1973 * quelques aspects de la période : « Pendant deux ans, nous nous retrouvâmes régulièrement chez moi, tous les samedis soirs. Paul Morand faisait des cocktails […] Il n’y avait pas que des compositeurs parmi nous mais aussi des interprètes […] ; des peintres : Marie Laurencin, Irène Lagut, Valentine Gross, la fiancée de Jean Hugo […] Après le dîner […] nous allions à la Foire de Montmartre, et quelquefois au cirque Médrano pour assister aux sketches des Fratellini qui dénotaient tant d’imagination et de poésie qu’ils étaient dignes de la commedia dell’arte. Nous terminions la soirée chez moi. » En 1947, dans le numéro 17 de la revue Graphis, Valentine Hugo signe un article sobrement intitulé « Jean Hugo : les décorations théâtrales » et fait revivre, de son côté, les premières années 1920 : « Avec ce que crée Jean Hugo, il y a toujours une sorte de conflit. Il circule dans ses inventions théâtrales […] un air vif et frais venant de loin, qui chasse la poussière des vieilles habitudes visuelles. Ses premiers projets pour le théâtre datent de 1921. C’était aussi l’époque de ses premiers tableaux tout rayonnants de lumière. Ils étaient de petite dimension, peints à la gouache, à l’œuf, ou à la tempera, avec cette aisance dénuée de petitesse qu’il apporte en tout ce qu’il dessine. […] Il y eut d’abord, en 1921, les projets de costume pour Mme Caryathis
La danseuse Caryathis
La danseuse Caryathis **
qui devait danser La Belle Excentrique d’Erik Satie. […] Cette même année, Raymond Radiguet, qui avait alors dix-sept ans ***, demanda à Jean Hugo de lui peindre la table de billard qui devait être le fond du décor de sa pièce Les Pélicans [sic] ; mais je laisse ici raconter Jean Hugo : “En mai 1921, on représenta Les Pélicans [sic]
Raymond Radiguet, Les Pélican, éditions de la Galerie Simon, Paris, mai 1921.
Pièce en deux actes illustrée d'eaux fortes par Henri Laurens.
au théâtre Michel dans le spectacle bouffe organisé par Pierre Bertin et Jean Cocteau. Il fallait un billard ; Radiguet me demanda de le dessiner. Je fis une petite gouache que je portai à l’atelier de décors, avec les dimensions que devait avoir le châssis. Le surlendemain, j’allai voir le décor exécuté : il me sembla beau. Les gouaches que je faisais alors n’étaient guère plus grandes que des timbres-poste et j’étais émerveillé d’en voir une agrandie à des proportions aussi monumentales. A la répétition qui suivit, on apporta sur la scène le billard, qui devait occuper le fond du théâtre. Il y eut un éclat de rire général. Le billard avait l’air d’une boîte d’allumettes. Il fallut le refaire beaucoup plus grand. Deux jours après, le rideau tomba sur Les Pélicans [sic] au milieu d’un grand silence et d’une profonde stupeur. Après le spectacle, Radiguet me dit avec sa gravité ordinaire : - C’est votre billard qui m’a perdu, il fallait le laisser petit comme il était d’abord ” ».
Pablo Picasso et Olga. En arrière-plan : Jean Hugo (Juan les Pins, circa 1926)
* Darius Milhaud, Ma vie heureuse, Paris, Belfond, 1973, p. 64.
** [Première rencontre [avec Marcel Jouhandeau] chez Marie Laurencin, d’Élisabeth-Claire Toulemon, dite Élise, née à Mariol (Galande, en littérature ), Allier, le 8 mars 1888. « Elle connaît d’abord une enfance triste et misérable, puis, élève de Staats, va faire carrière dans la danse sous le nom de Caryathis. Elle débute sur scène en 1911, au théâtre des Arts, dirigé par Rouché, dans Le Palais de Han de Laloy, avec pour partenaires Dullin, Jouvet, Escande. Prend part à diverses créations de Poulenc, Auric et Ravel, et surtout se taille un beau succès dans La Belle Excentrique d’Éric Satie (1925). Elle connaît cependant des aventures mouvementées, partage la vie intime de Dullin, se mêle à l’agitation de Montmartre et de la Rive gauche, fait la rencontre d’êtres exceptionnels : Nijinsky, J. Cocteau, P. Morand, M. Jacob, H. Herrand, R. Crevel, etc. Elle raconte cette existence aventureuse, alternant première et troisième personne dans Joies et douleurs d’une belle excentrique (Flammarion, 1952-1960).
Extrait du Dictionnaire bibliographique des auteurs creusois. A. Carriat.]
Le 4 juin 1929, Mariage à Saint-Honoré-d’Eylau. Témoins de Marcel [Jouhandeau]: Marie Laurencin, Gaston Gallimard et témoins d’Él(i) (y)se [Caryathis] : Jean Cocteau, René Crevel. Installation rue du Commandant Marchand, près de la Porte Maillot, jusqu’en novembre 1960.
http://www.rencontres-chaminadour.com/jouhandeau.php
*** Né le 18 juin 1903, Radiguet avait alors 18 ans.