Si la correspondance de Francis Picabia est aujourd’hui dispersée et parfois difficile d’accès (les lettres conservées à la Bibliothèque Jacques Doucet ne peuvent être consultées qu’avec l’autorisation de divers ayants droit), pour ne pas dire inaccessible quand les lettres en question appartiennent à des collections privées (1), il reste néanmoins possible de consulter ses Lettres à Léonce Rosenberg 1929-1940
ainsi que les
Lettres à Christine (Boumeester). Plus tardives, ces dernières ont été écrites entre 1945 et 1951 et sont suivies, dans l’édition de Jean Sireuil aux Editions Gérard Levovici, par un recueil de textes forts méconnus de Picabia, intitulé Ennazus. Ennazus, anagramme de Suzanne (Romain), à qui Picabia adressa de nombreuses lettres d’amour et que Les Presses du Réel annoncent comme une de leur prochaine publication :
Picabia avec Nietzsche, Lettres d’amour à Suzanne Romain (1944-1948). L’édition de cet imposant volume de 432 pages est le fruit du travail de Carole Boulbès, auteur notamment de Picabia, le saint masqué (Jean-Michel Place, 1998).
Il ne fait aucun doute que ce volume occupera une partie de mon automne.
Picabia était-il un imitateur obsessionnel de Nietzsche ? Quels rapports entretenait-il avec le romantisme allemand ? Peut-on comparer Picabia à Nietzsche et Suzanne Romain à Lou Von Salome ? Picabia, qui pratique le « collage philosophique » depuis 1917, adresse à partir de 1944 des lettres d'amour à Suzanne Romain en détournant les poèmes et aphorismes de Nietzsche. Rassemblant une sélection de quarante-huit lettres inédites reproduites en fac-similé, mais aussi des dessins, des peintures, des photographies et divers documents, cet ouvrage met en lumière les rapports de l'artiste au philosophe au travers d'une recherche historique approfondie, partant d'une correspondance amoureuse pour développer un questionnement philosophique et esthétique sur l'art, en passant par Goethe, Schlegel, Hegel, Baudelaire. [Les Presses du Réel].
(1) Telles ces 36 lettres autographes adressées à Jean Van Heeckeren entre le 24 janvier 1949 et le 10 octobre 1951, vendues 52800,- € en décembre 2006 lors d’une vente parisienne organisée par Christie’s, la notice du catalogue précisant « 76 pages manuscrites dont 50 avec dessins originaux, la plupart à pleine page (…) » La rencontre de Picabia avec Jean Van Heeckeren remonte au début des années 20 et sera, on peut l’imaginer, importante pour les deux hommes. Jean Van Heeckeren préfacera Chi-lo-sa (PAB, 1950) et est l’auteur d’un long essai inédit intitulé « Picabia l’imprévisible ». Il a fait partie des quelques auteurs qui se sont rassemblés après la mort de Picabia pour lui témoigner leur attachement dans In memoriam, une plaquette d’hommage publiée « sous le signe d’Orbes » (20 avril 1955) et entièrement consacrée à l’auteur de L’Athlète des pompes funèbres.