02 août 2005
Cher Directeur de Littérature
Cher Directeur de Littérature
Je viens d’apprendre tout récemment (mais peut-être ne s’agit-il que d’obscurs ragots ?) que vos influences sur Mademoiselle Valentine Gross seraient du plus mauvais effet. S’il m’est aisé de comprendre que vos velléités oniriques, vos réunions apéritives, place Blanche (« jusqu’à pas d’heure », me précisent encore d’autres sources), vos réunions non moins interminables au 42, rue Fontaine – à ce sujet, je vous remercie à l’avance de communiquer toutes informations utiles concernant votre prédécesseur en ces lieux (le frère de Monsieur Jacques Rigaut), à M. Jean-Luc Bitton, afin que ce dernier puisse mener à bien son work in progress –, vos séances de spiritisme, vos prises de bec et de positions diverses, votre récente tocade consistant à accumuler, en et sur les murs de votre appartement, tout un bric-à-brac d’objets plus ou moins catholiques, il m’est en revanche bien plus difficile d’admettre qu’un esprit comme le vôtre ait réussi à faire renoncer une jeune personne à sa passion pour la musique : Mademoiselle Valentine Gross aurait, me dit-on, non seulement cessé de jouer du piano mais également vendu son instrument ainsi que sa collection de partitions musicales dédicacées. Voir, voir, nous ressassez-vous. Mais que faites-vous de vos oreilles ?
Pardonnez-moi, cher Directeur de Littérature, de vous bousculer un peu, mais enfin, comprenez-moi, je ne puis supporter que vous vous immisciez dans l’existence de Mademoiselle Valentine Gross au point de lui faire renoncer, ne serait-ce que temporairement, à ses rêves pour adopter les vôtres.
Je vous prie de bien vouloir me rassurer au sujet de ce que je viens d’évoquer (avec un peu de nervosité je vous le concède, mais sachez que je préfère de loin la musique d’ici-bas aux grincements de vos tables tournantes).
Une dernière chose : évitez, s’il vous plaît, de me répondre sur votre horrible papier à en-tête de Littérature : cela m’exaspère au plus haut point.
Veuillez, cher Directeur de Littérature, etc…
FLE
PS. M. Tristan Tzara vient de me faire part d'un récent courrier, daté du 07.07.23, que lui a adressé M. Erik Satie. Ce dernier n'a pas hésité à lui écrire, je cite : "Je vous aime bien mais je n'aime pas Breton ni les autres ..." Par conséquent, si un compositeur comme Monsieur Erik Satie a cru bon d'écrire ceci, je vous prie de ne pas me répondre au sujet de qui précède. Néanmoins, si vous pouviez me dire pourquoi vous n'avez pas signé L’Œil Cacodylate de Francis Picabia, cela m'arrangerait bien.