31 décembre 2008

La signature, le nom de l'auteur, est la partie la plus importante d'une œuvre, la figuration de son sens dans la vie, la clef. (Robert Desnos)*

Moins connue que bon nombre de suicidés célèbres, Céline Arnauld pourrait à bon compte figurer dans la longue liste des suicidés dressée par Ben ** et dont Jean-Luc Bitton donne le détail dans son dernier billet. Quelques textes, une revue au numéro unique, quelques volumes au tirage restreint ne sauraient résumer Céline Arnauld (36 ans au temps de L’Œil cacodylate) qui mit fin à ses jours le 23 décembre 1952, peu de temps après le décès de son mari Paul Dermée, dont j’ai un peu parlé précédemment mais sans avoir cité, me semble-t-il les Documents Internationaux de l’Esprit Nouveau. Au sommaire du n° 1 (et seul paru) de Documents Internationaux de l’Esprit Nouveau ***, édité par Paul Dermée et Michel Seuphor à Paris en 1927 : Hans Arp, Céline Arnauld, Willi Baumeister, Marcel Breuer, Paul Dermée, Albert de la Salpétrière, Pierre Flouquet, Luciano Folgore, Gildvinger, Walter Gropius, Attila Jozsef, Paul Joostens, André Kertèsz, Syrjusz Korngold, Maurice Lavergne, Fernand Léger, Ladislas Medgyés, Lucia Moholy, Moholy-Nagy, Piet Mondrian, F. T. Marinetti, Enrico Prampolini, Platon, Sotgia Rovelli, Etienne Rajk, Robert Rist, Seuphor, Victor Servanckx, Kurt Schwitters, Szivesy, Saint Paul, Saint Just, Tristan Tzara, Herman Vonck, Vordemberge Gildewart. Mais une image vaut mieux qu’une suite de mots :

Paul Dermée par Juan Gris (1925), pour Céline Arnauld

Pensant à Céline Arnauld, m’est venue l’idée de transcrire son « Ombrelle Dada » (« s.l.n.d. », i.e. circa 1920-1921) qui figure dans la Bibliothèque Jacques Doucet à Paris :

Ombrelle Dada Vous n’aimez pas mon manifeste ? Vous êtes venus ici pleins d’hostilité et vous allez me siffler avant même de m’entendre ? C’est parfait ! Continuez donc – la roue tourne, tourne depuis feu Adam, rien n’est changé, sauf que nous n’avons plus que deux pattes au lieu de quatre. Mais vous me faites trop rire et je veux vous récompenser de votre bon accueil, en vous parlant d’Aaart, de Poéésie et d’etc. d’etc. ipécacuanha. Avez-vous déjà vu au bord des routes entre les orties et les pneus crevés, un poteau télégraphique pousser péniblement ? Mais dès qu’il a dépassé ses voisins, il monte si vite que vous ne pourriez plus l’arrêter … jamais ! Il s’ouvre alors en plein ciel, s’illumine, se gonfle, c’est une ombrelle, un taxi, une encyclopédie ou un cure-dent. Etes-vous contents maintenant ? Eh bien, c’est tout ce que j’avais à vous dire – c’est ça la Poéésie, croyez-moi. Poésie = cure-dent, encyclopédie, taxi ou abri-ombrelle, et si vous n’êtes pas contents … A LA TOUR DE NESLE Pour finir, il me plaît et m’importe de signaler deux livres :

et

parce que Perec, mais aussi parce que Pierre Senges a l’honneur et l’avantage de faire partie des rares écrivains de notre époque.

Je profite de cette fin d'année pour remercier chaleureusement les lecteurs de ce blog et pour les inviter à me faire part de leurs remarques à l'adresse suivante : fabrice.lefaix@voila.fr.

* Robert Desnos cité par Michel Sanouillet in Dada à Paris, CNRS éditions, 2005, p. 250.

** L’exposition Ben intitulée « Ils se sont tous suicidés » se tiendra à la Galerie Daniel Templon (30, rue Beaubourg, 75009 Paris) du 10 janvier au 21 février 2009. L’entrée est annoncée « libre ». *** Documents Internationaux de l’Esprit Nouveau fait suite à la revue L’Esprit Nouveau (28 numéros parus entre octobre 1920 et janvier 1925).

19 décembre 2008

Jeudi 9 février 1921 depuis le 14 de la rue Emile Augier (Paris XVI)

Dans un post du 15 juin 2005, je notais imprudemment que Pierre de Massot était hébergé par Picabia "dès novembre 1921". Les archives de la Bibliothèque Doucet me donnent tort : si nous examinons de près cette "lettre autographe avec dessins [Album Picabia]" reproduite dans la catalogue Dada (Editions du Centre Georges Pompidou, Paris, 2005, p. 671), nous constatons non seulement la date du jeudi 9 février 1921 [14, rue Emile Augier (XVI) : i.e. domicile de Francis Picabia] mais également une mention fort intéressante : "au bar du Bœuf sur le Toit" - deux indications en l'honneur desquelles nous organisons ce soir une petite fête agrémentée notamment d'olives noires et de rollmops à la crème fraîche.

18 décembre 2008

Rions un peu avec les keupons

« A Zurich, le Cabaret Voltaire connut un succès immédiat. D’une capacité de cinquante places, il était plein tous les soirs. Il y eut d’abord des étudiants, qui buvaient, fumaient et saccageaient la salle ; puis des citoyens, la « bourgeoisie » injuriée, des curieux, puis, finalement, comme au Roxy en 1977, des touristes japonais. Il y avait tellement d’habitués que presque personne ne payait ; une variante de la vieille blague punk : combien faut-il de punks pour changer une ampoule ? Un pour tenir l’échelle, un pour dévisser l’ampoule, et cinquante sur la liste des invités. » Greil Marcus, Lipstick Traces – Une histoire secrète du vingtième siècle, [Allia, 1998] Gallimard, coll. Folio Actuel, 2000, p. 255

16 décembre 2008

Il avait de belles mains, il avait de beaux gestes

En feuilletant à nouveau Duchamp : passim. A Marcel Duchamp anthology *, j’ai retrouvé cette surprenante photographie de Gabrielle Buffet
qui avait alors 102 ans [©]:
A l’exception du texte de Maria Lluïsa Borràs (« Une jeune femme appelée Gabrielle Buffet ») **, je ne dispose que de très peu de renseignements sur Gabrielle Buffet. En revanche, on peut l’entendre dans l’émission Relecture *** parler de Francis Picabia, peu de temps après la publication de son volume intitulé Rencontres :
Premières notes sur Gabrielle Buffet : Gabrielle Buffet (1881 – 1985) Rencontre Francis Picabia durant l’été 1908. S’inscrit à la Schola Cantorum (qui ouvre en 1896 et qui est à l’époque l’institution rivale du Conservatoire). Elève de Vincent d’Indy qui dirige cette institution à partir de 1897. [à vérifier]

A la Schola Cantorum du 269, rue Saint Jacques (Paris, 1899). A la gauche de G.B. se trouvent Pierre Lalo et Vincent D'Indy. (Détail) Elle part pour Berlin afin de perfectionner sa pratique et ses connaissances musicales. Elle a pour maître Busoni. [à vérifier] Met fin à sa carrière peu après sa rencontre avec Picabia. Rencontre Apollinaire en juillet 1912 (Hyte, Angleterre) Début 1914, elle publie un article dans les Soirées de Paris, intitulé « Musique d’aujourd’hui ». Publie « Marie Laurencin » dans The Blind Man (n° 2, 1917) [demander à M. V. un scan du fac similé de ce numéro publié par Arturo Schwarz]. Accompagne Picabia à Zurich en janvier 1919 et y rencontre Tristan Tzara. Publie « Petit manifeste » dans Dada n° 4-5 (Zurich, 1919) Publie « Portrait dédié à l’espagnol » dans 391 (n° 10, décembre 1919). Ecrit la préface pour Jésus-Christ rastaquouère (publié à Paris en 1920). Fréquente Igor Stravinsky dans les années 30. Elle publie des articles, dans la presse américaine en particulier, mais n’y accorde que peu d’importance. G.B. sur Picabia : « Que de gens n’a-t-il pas scandalisés en professant que ce qui l’intéressait le plus à New York, c’était le jazz (qui n’avait pas encore traversé l’Atlantique), le cinéma et les ponts de fer, celui de la 59è rue particulièrement. On prenait ses déclarations pour du bluff, mais elles correspondaient pourtant à la vérité. » « Introduction de l’art moderne aux Etats Unis » in Rencontres, Pierre Belfond, 1977, p. 183. (Initialement publié dans Information et Documents, n° 59, 1er janvier 1957. Trad. de l’anglais par Adélie Hoffenberg. * Anthony Hill ed., Gordon and Breach Arts International, 1994. ** Rencontres, op. cit., pp. 13-23 [Trad. de l’espagnol par Antoine Berman]. Rencontres est l'édition complétée du recueil de Gabrielle Buffet intitulé Aires abstraites et publié initialement à Genève chez Pierre Cailler, coll. Les problèmes de l'art, 1957. D’autres indications biographiques sont disponibles dans le Picabia de Maria Lluïsa Borràs publié par Albin Michel en 1985. [Trad. de Robert Marrast]. *** L’intégralité de l’émission (France Culture, 1978) est disponible ici, grâce à Fabrice Pascaud.

13 décembre 2008

Marcel Duchamp, Francis Picabia et Béatrice Wood (Coney Island, New York, 1917)
Il faudrait pouvoir, impunément, combler certains vides biographiques par de la fiction (faire en sorte que tout le monde y adhère) et accommoder nos broderies dans le seul dessein qu’elles passent pour du vécu pur choix. Inversement, on ferait passer le « trop plein » de certaines vies bénies des anges pour de la fiction – tant la vie est souvent mal faite. Rétablir l’équilibre, pour ainsi dire.

02 décembre 2008

Le Bœuf en ses avatars

Avant de dire quelques mots sur la vie tendre et cruelle de Gerald et Sara Murphy, voici deux images relatives au Bœuf sur le toit, chacune accompagnée d'un document sonore où le cabaret parisien est évoqué par Jean Wiener (qui y fut pianiste en son temps, aux côtés de Clément Doucet) et Jean-Marie Drot. On reconnaîtra facilement la voix de Man Ray (1961) évoquant Jean Wiener au Bœuf d'antan.

Publicité bilingue pour Le Bœuf sur le toit (1941 - 1942)

Le Bœuf sur le toit à Bruxelles. Document aimablement communiqué par Sophie P. (Bruxelles)

20 novembre 2008

Qu'on en finisse

Encore plus fort que la vente Breton qui fit tant de bruit en son temps, celle de la collection Yves Saint Laurent et Pierre Bergé (le début des enchères est prévu pour février 2009) annonce déjà la couleur : 700 œuvres, et des estimations allant de 300 à 500 millions d’euros pour l’ensemble. Répondront à l’appel : Cézanne, Mondrian, Léger, Picasso, Brancusi, Ensor, mais aussi Matisse et Duchamp. Du côté des maîtres anciens : Géricault, Franz Hals, Gainsborough, Ingres… Belle Haleine, Eau de voilette (Duchamp, 1921) qu’on a pu voir à l’exposition Dada à Beaubourg (fin 2005 – début 2006), sera sans doute adjugé pour un montant fort déraisonnable, c’est-à-dire proche de celui pour lequel la pièce fut assurée au moment de l’exposition (environ 1 million d’euros). Toujours plus, toujours plus d’argent, toujours et encore plus de pouvoir, jusqu’à faire vaciller les repères les plus élémentaires, ai-je répondu à mon ami F., qui n’y va pas par quatre chemins et qui est à l’origine de ce post pour m’avoir communiqué l’information. F. me fait remarquer : « Imagine le nombre de p... ayant porté du YSL et le nombre de chèques signés, toutes ces cartes bleues, tout ce pognon dépensé […] A chaque fois que je croise une tête équipée de ces lunettes monogrammées, à chaque fois que je suis littéralement agressé par ces dérisoires accessoires de l’industrie du luxe, j’ai vraiment envie de gerber […] Tout ça va très mal se terminer, tôt ou tard – à la Mad Max. » Je partage pleinement les prévisions pour le moins pessimistes de mon ami F., à qui j’ai répondu ceci : " Patience. Le XXIème siècle sera sans doute le dernier, mais n'oublie pas que le produit de la vente sera destiné à la fondation Yves Saint Laurent - Pierre Bergé ainsi qu'à la recherche médicale."

17 novembre 2008

Spleen à Bex-les-Bains (Suisse), avec chassés-croisés

Une femme dans une femme. F. Picabia, mine de plomb et encre de Chine sur papier vélin à en-tête imprimé du Grand Hôtel des Salines de Bex-les-Bains.
Estimée entre 8000 € et 10000 €, la pièce fut adjugée à 15600 € le 23 mai 2006 lors de la vente Christie’s intitulée « Bibliothèque d’un grand amateur européen ». Picabia, marié à Gabrielle Buffet * (qu’il rencontre en 1908) depuis le 27 janvier 1909, rencontre Germaine Everling fin 1917. Fin février 1918, accompagné de sa femme Gabrielle, Picabia se rend à Lausanne, via Gstaad, pour y suivre une cure auprès du neurologue Brunnschweiler. Germaine Everling rejoint Picabia fin février 1918. Gabrielle et Germaine se sont-elles croisées durant la cure de Picabia ? Ce n’est pas sûr. Mais ce qui est certain, c’est que les deux femmes connaissaient l’existence l’une de l’autre à ce moment-là. Début avril 1918 (à Gstaad, où Gabrielle a loué un chalet), Picabia écrit les derniers mots de son recueil Poèmes et dessins de la fille née sans mère. Rentrée à Paris à la mi-mai 1918, Germaine Everling rejoint à nouveau Picabia et tous deux partent pour Bex, d’où trois ans plus tard seront réalisés ces deux dessins qui lui seront destinés. La notice du catalogue Christie’s ne fournit pas de date précise concernant la réalisation de ce dessin. Le zona ophtalmique de Picabia ayant été diagnostiqué en mars 1921, il semblerait que l’œuvre en question puisse être datée de cette époque (sous toutes réserves).

Francis Picabia et Germaine Everling (1921)
* En 1912, Gabrielle Buffet fit sérieusement tourner la tête de Marcel Duchamp. [Souvenons-nous qu’en juin de la même année, Picabia, Gabrielle et Marcel assistèrent, Théâtre Antoine, aux Impressions d’Afrique de Raymond Roussel]. Ce même été 1912 (depuis Paris ? depuis Munich ?), Marcel écrivit deux lettres à Gabrielle qui se trouvait alors en villégiature à Hythe (Angleterre). La suite nous est donnée par Judith Housez [Marcel Duchamp, biographie. Grasset, Paris, 2006, pp. 117-118] : « Gabrielle Buffet-Picabia, qui passait la suite de son été à Etival, un petit village du Jura, indiqua à Marcel dans une de ses lettres le jour où elle se trouverait de passage à la gare d'Andelot, seule, lors de son voyage de retour à Paris. A sa grande surprise, elle trouva Marcel sur le quai à l'heure dite : il venait d'arriver de Munich dans le seul but de la voir. Ils commencèrent à parler, laissèrent partir les trains qu'ils devaient prendre, puis restèrent là toute la nuit, assis sur le banc de la salle d'attente, à parler et à se taire, sans se prendre la main, sans s'embrasser. “ Avant tout, je dois faire très attention à ce que je lui dis, songeait Gabrielle, car il comprend les choses d'une façon alarmante, dans leur sens absolu. ”, Il avait parcouru plus de mille kilomètres en train pour ces quelques heures avec elle. Il était ivre de désir pour cette femme, sensible à sa beauté et à son intelligence, mais ne tenta rien, et garda une distance respectueuse sur le banc. Pour un jeune homme conventionnel de vingt-cinq ans, tomber amoureux d'une femme mariée était une expérience terrible. Quelques années plus tard paraîtrait Le Diable au corps, mais entre-temps, le chaos de la guerre aurait semé le doute sur toutes les valeurs, y compris celles de la famille et de la fidélité. A propos de Marcel Duchamp, Gabrielle Buffet-Picabia n'hésiterait pas à déclarer “ je pense que c'est moi qui l'ai émancipé de sa famille ”. Elle avait été son premier grand amour. »

11 novembre 2008

Marcel chez Ubu

Marcel Duchamp devant Portrait de M. Duchamp père (1910)
L'indispensable site ubu voit ses archives s'étoffer régulièrement. Pour preuve, le hard to find Jeu d'échecs avec Marcel Duchamp (Jean-Marie Drot, 1963) y est désormais disponible. Au détour, on n'oubliera pas de consulter les deux séminaires de Roland Barthes (Comment vivre ensemble et Le Neutre).

09 novembre 2008

Marcel s'explique

Marcel Duchamp à Cadaqués (circa 1960)
Marcel Duchamp, entretiens avec Georges Charbonnier (1960 - 1961)

Radiguet critique littéraire

Raymond Radiguet et Jean Cocteau sur la plage du Lavandou (1922)
Ses colères étaient rares mais terribles. Il devenait pâle comme un mort. Jean Hugo et Georges Auric doivent se souvenir d'une soirée au bord du bassin d'Arcachon, où nous lisions tous autour d'une table de cuisine. J'eus la maladresse de dire que Moréas , ce n'était pas si mal. Je lisais ses stances. Radiguet se leva, m'arracha le livre, traversa la plage, le jeta dans l'eau et revint s'asseoir avec une figure de meurtrier, inoubliable. Jean Cocteau, "De Raymond Radiguet" in La Difficulté d'être [1947]. Le Livre de Poche, coll. biblio, p. 28.

Jean Cocteau - La Toison d'Or (1929) Jean Cocteau (voix), Vance Lowrey (banjo), Dan Parrish (piano), Dave Peyton (percussions), James Shaw (clarinette) et Crickett Smith (trompette)

06 novembre 2008

Lectures

L’Alamblog du Préfet maritime (Eric Dussert) proposait, dans son billet du 27 écoulé, quelques mots d’introduction à l’exposition Le Futurisme à Paris. Une avant-garde explosive. Loin de se contenter de la simple recension, la pertinence du Préfet maritime donnait à lire, par la même occasion, un non moins pertinent texte de Marc Dachy, initialement paru dans la revue Critique (n° 404) en janvier 1981 sous le titre « Une avant-garde ridicule » et auquel on se reportera plus qu’ utilement. On regrettera de ne plus pouvoir trouver, ni le somptueux volume de Marc Dachy paru chez Skira (Journal du Mouvement Dada, 1989), ni, du même auteur, Dada & les dadaïsmes paru en Folio essais (Gallimard) en 1994. Traductrice, notamment de Georg Grosz de Günther Anders (Paris, Allia, 2005), Catherine Wermester vient de publier, chez le même éditeur,

Grosz, l’homme le plus triste d’Europe, une courte étude pour le moins efficace et qui m’a retenu bien après le temps de sa lecture. Viser juste son objet, ai-je pensé en terminant ce livre.

Enfin, puisque Thomas Bernhard a définitivement cessé de publier, je signale

Automne, liberté – Un nocturne de Werner Kofler, traduit de l’allemand (Autriche), présenté par Bernard Banoun et paru aux éditions Absalon, collection « K. 620 », Nancy, 2008. Depuis Le dîner de moules de Birgit Vanderbeke (traduit de l’allemand par Claire de Oliveira, Stock, coll. Nouveau Cabinet Cosmopolite, Paris, 1995) et Le dégoût – Thomas Bernhard à San Salvador de Horacio Castellanos Moya (traduit de l’espagnol par Robert Amutio, Les Allusifs, 2003) on n’avait si bien imité et/ou évoqué la prose de l’hermite autrichien.

27 octobre 2008

She is the future

D'abord, merci à Fabrice Pascaud de m'avoir signalé cette émission radiophonique consacrée à Picabia et qu'il met à disposition de tous sur son site. L’ouverture de l’exposition Futurisme à Paris. Une avant-garde explosive (Centre Beaubourg, jusqu'au 26 janvier 2008) est l’occasion pour L’Œil cacodylate de battre à nouveau des cils. L’exposition propose notamment des œuvres de Metzinger, Picabia et Duchamp, trois signataires de L’Œil cacodylate : Metzinger Danseuse au café (1912) Le Cycliste au vélodrome (1912) Picabia Danses à la source, I (1912) Udnie (Jeune fille américaine ; la Danse) (1913) Je revois en souvenir ma chère Udnie [1913]-1914 Duchamp Nu descendant un escalier (n°2) 1912 Les joueurs d’échecs (1911) Moulin à café (1911) Le catalogue semble bien conçu (Didier Ottinger en a assuré la direction) et pourrait être le complément indispensable de celui qui fut publié à l'occasion de l'exposition Futurismo & Futurismi qui s'est tenue au Palazzo Grassi de Venise du 4 mai au 12 octobre 1986 (éd. Bompiani). Pour l'édition en français des textes futuristes, Futurisme. Manifestes - Proclamation - Documents (Giovanni Lista, L'Age d'Homme, Lausanne, 1973) demeure une référence. Chez le même éditeur, Le Futurisme de F.-T. Marinetti (préfacé par G. Lista - 1980) est tout autant à retenir que les textes de Michel Larionov traduits, réunis et annotés par Michel Hoog et Solina de Vigneral sous le titre Une avant-garde explosive (L'Age d'Homme -1978). Le catalogue édité par Bompiani comporte une riche documentation. Pour preuve, y replongeant ce soir, j'y trouve : deux vortographies d'Ezra Pound (autre signataire de L’Œil cacodylate) réalisées par le photographe Alvin Langdon Coburn, ainsi qu'un dessin à la plume sur papier de Francesco Cangiullo :

Bello. Lettres humanisées. 27,6 X 21,4. 1914. Milan, coll. Calmarini

Le titre de ce billet est de Marcel Duchamp : "[The Baroness] * is not a futurist. She is the future." [Marcel Duchamp, quoted in Kenneth Rexroth, American Poetry in the Twentieth Century - New York, Herder and Herder, 1973 - cité par Irene Gammel in Baroness Elsa, gender, Dada and everyday modernity, The MIT Press, 2002.

* Elsa von Freytag-Loringhoven (1874-1927). Ici, quelques indications (à vérifier, comme toujours sur Wikipedia) sur la baronne.

04 septembre 2008

1921 (purs sels argentiques)

Refermer les derniers cartons, obtenir une nouvelle ligne adsl, penser à dire quelques mots sur Tabu dada (sur Suzanne Duchamp et Jean Crotti), ouvrir à nouveau des cartons - bref, les archives du blog cacodylate déménagent. En attendant, voici trois nouvelles photographies prises en 1921, année où Suzanne Duchamp, Jean Crotti, Germaine Everling et Francis Picabia accomplirent ensemble un périple qui les mena sur la Côte d’Azur.

Suzanne Duchamp, Francis Picabia et Germaine Everling (photographie prise très probablement par Jean Crotti)

Francis Picabia, Jean Crotti et Suzanne Duchamp à Comps (photographie prise très probablement par Germaine Everling) Suzanne Duchamp, Germaine Everling et Francis Picabia sur la corniche (photo prise très probablement par Jean Crotti)
Source des documents : Catalogue de l'exposition Picabia et la Côte d'Azur (5 juillet - 6 octobre 1991), Musée d'Art Moderne et d'Art Contemporain, Nice.
Comme tous les catalogues d'exposition, celui-ci est précédé d'une page de remerciements, eux-mêmes précédés de noms de personnalités politiques (locales). En revanche, aucune indication concernant les traducteurs de certains textes qui introduisent le catalogue (notamment ceux de Maria-Lluïsa Borras et de William A. Camfield). Il faut atteindre la 184ème et ultime page de ce catalogue pour lire cette abomination : Traductions : L.E.A., Faculté des Lettres, Nice. De toute évidence, cette exposition fut "placée sous le haut patronage" de :
De qui, déjà ?

01 septembre 2008

Fatty : la classe américaine

Difficile de savoir à qui Fatty souhaitait bonne chance en signant L’Œil cacodylate. Peut-être un peu à lui-même, qui trois mois plus tôt (début septembre 1921), fut inculpé de viol et de meurtre par empoisonnement sur la personne de Virginia Rappe, actrice américaine. Quand Fatty signa L’Œil cacodylate, sa carrière était compromise à tout jamais, les tout-puissants d'Hollywood l'ayant définitivement banni de leurs plateaux. C'est en trouvant cette photographie de Fatty (très probablement prise en 1921 à la suite de l'affaire dont il fut innocenté) sur le blog If Charlie Parker Was a Gunslinger, There'd Be a Whole Lot of Dead Copycats, que m'est venue l'idée de ce post. Quelques clics plus tard, alors que je venais d'extraire un passage du roman de Jerry Stahl dont Fatty est le héros : A ce stade de ma carrière, j’avais fait construire un garage pour abriter mes voitures. Mes cinq voitures. Une Cadillac blanche nacrée, une Renault (on m’avait fait cadeau de cette caisse de mangeur de grenouilles), une Rolls (tellement classe que je dormais dedans), une Stevens-Duryea que je réservais au jardinier, et on me fabriquait spécialement une Pierce-Arrow à vingt-cinq mille dollars. Passez-moi encore une chose. Une dernière histoire au sujet de papa et après je la boucle, d’accord ? Lorsque papa remonta l’allée dallée qui menait à mon domicile, je lui dis : « Devine combien coûte la porte d’entrée ? » Il répondit : « Je ne sais pas, moi, cinquante dollars ? » Pour lui, c’était déjà extravagant. Lorsque je lui annonçai quinze mille dollars, je crus qu’il allai tomber par terre. Il y avait dans mon jardin un pont japonais qui coûtait plus que le total des revenus paternels durant toute une vie. Mais je ne pouvais pas m’en empêcher. Moi, Fatty, Jerry Stahl, trad. de l’anglais (Etats-Unis) par Thierry Marignac, éd. Rivages/Thriller, 2004, pp. 140-141. je me demandais à quoi pouvait ressembler une Pierce-Arrow. La toile est parfois riche en surprises, me suis-je dit en découvrant la Pierce-Arrow de Fatty.
"... et on me fabriquait spécialement une Pierce-Arrow à vingt-cinq mille dollars."
CHATTANOOGA, TENN. (August 2007) - Originally custom made for silent movie star Roscoe “Fatty” Arbuckle, the 1919 Pierce-Arrow Model 66A-4 Don Lee Touring attracted major attention by the crowd at the 2007 Pebble Beach Concours d’Elegance. In addition to the vibrant paint and superb interior, the Coker produced all-white Goodrich Silvertown tires made the famous car visible from miles away. By the end of the weekend, the current owner of Arbuckle’s Pierce-Arrow, James Schenck of Wisconsin, was rewarded with first place in the Class B (Vintage 1916-1924) category. Being one of the highest paid actors and directors of the silent movie era, Arbuckle spared no expense when he originally special ordered all-white tires for his Pierce-Arrow. Schenk’s desire to do a fully accurate restoration of the Fatty Arbuckle Pierce made securing the all white tires a necessity. Having known that, it only made sense to contact Coker Tire because of their world re-nown expertise on all things vintage tires and their ability to custom produce one of a kind type tires. Coker agreed to replicate the authentic all white tires in only a matter of months. The Coker Tire team utilized their world-renowned classic tire experience in remanufacturing the one-of-a-kind all-white tires; which completed the Pierce-Arrow’s award-winning restoration. “We produced some all white 36×6 tires using a non marking tread and sidewall compound which were cured in our 36×6 Goodrich Silvertown tire mold”, said Corky Coker. “White tires are very difficult to clean, so I don’t believe we’re re-creating a trend for car enthusiasts, but these tires really looked amazing on the “Fatty” Arbuckle Pierce-Arrow at the Pebble Beach Concours de Elegance.” Roscoe “Fatty” Arbuckle was one of the first silent movie stars and a pioneer in the film industry. Despite his large size, Arbuckle was known for using his agility and physical comedy skills to make audiences across the country laugh out loud. His films introduced classic sight gags, such as a pie-in-the-face, and helped launched the career of Buster Keaton. http://blog.coker.com/index.php/2007/08/29/coker-gives-fatty-a-new-pair-of-shoes/ Ton idée de pneus blancs, Fatty, c'est vraiment la classe américaine !

04 août 2008

Simple indication

Il a fallu que je m’attarde sur une photo de Man Ray (Jean Cocteau et Tristan Tzara) pour que j’établisse tardivement un rapport avec Lampshade (abat-jour en papier torsadé) de Man Ray (1917).

28 juillet 2008

Perevoz Dada (ce qui est rare est cher)

Transbordeur Dada n° 1 (Berlin, juin 1922)
Transbordeur Dada n° 4 (Paris, avril 1924)
Je songe parfois à la somme astronomique dont je devrais disposer pour acquérir quelques documents originaux de chacun des signataires de L’Œil cacodylate. Un bel exemple vient de m’être donné aujourd’hui, qui me fait découvrir par la même occasion deux couvertures de la revue de Serge Charchoune, Transbordeur Dada. Le libraire proposait, début mai 2008, les numéros 1 et 4 pour, respectivement, les sommes de 3500 et 2500 USD. Posséder n’est pas le but de l’opération. Cependant, pouvoir manipuler un peu de « papier magique » permettrait parfois d’appréhender son sujet plus concrètement, avec un peu plus de « sensibilité ».

27 juillet 2008

et plus tard en été

En attendant de recevoir : - Jean Cocteau (biographie) par Claude Arnaud (Gallimard, 2003) - Moi, Fatty (biographie sous la forme d’un polar consacrée à Roscoe Conkling Arbuckle) alias Roscoe “Fatty” Arbuckle, a.k.a. Fatty (Rivages, 2007) -Isadora Duncan, roman d’une vie par Maurice Lever (Presses de la Renaissance, 1986) - Nous les Fratellini par Albert Fratellini (Grasset, 1955) - Ma vie heureuse par Darius Milhaud (Belfond, 1973), voici la couverture (retrouvée) du n° 5 de L’Esprit nouveau *,
Paul Dermé (anonyme, s.d.)
cette fameuse revue dirigée par Paul Dermée au début des années 20. En attendant également d’en savoir un peu plus sur le texte de Raymond Creuze (marchand de Charchoune entre 1930 et 1944) qui accompagne son catalogue raisonné consacré à l’artiste russe **, j’aimerai signaler le très beau et très saisissant texte d’Edouard Levé, intitulé Suicide (P.O.L, Paris, 2008). *** Enfin, pour ceux que l’idée de la fin repousserait, je signale, sans l’avoir vu, un spectacle qui se joue actuellement jusqu’au 2 août (festival d’Avignon) :
Le travail avance un peu. Je pense, prématurément, aux annexes, qui seraient constituées, entre autres, du court texte de Marie de la Hire consacré à Picabia (1920) et de celui de Paul Dermée intitulé Spirales (1917). J'attends aussi un catalogue de vente (Artcurial) au sein duquel Valentine Hugo occupe une place non négligeable.
* « L’Esprit nouveau et les poètes » est le titre d’une conférence donnée par Guillaume Apollinaire le 22 novembre 1917 au théâtre du Vieux-Colombier (Paris). La revue L’Esprit nouveau compta 28 numéros, publiés entre octobre 1920 et janvier 1925. Amédée Ozenfant et Charles-Édouard Jeanneret-Gris (Le Corbusier) prirent la direction de la revue à la suite de Paul Dermée. Le numéro 26 (octobre 1924) fut entièrement consacré à Guillaume Apollinaire.
** L’excellent blog Bibliophilie russe (précédemment linké sans le citer directement - et c’est donc chose faite) propose notamment quelques documents accompagnés d’indications biographiques sur S. Charchoune. *** "Ta douleur s'apaisait avec la tombée de la nuit. La possibilité du bonheur commençait à cinq heures en hiver, et plus tard en été." É. Levé, op.cit., p.45.

24 juillet 2008

Mon cœur bat (Valentine Hugo II)

Valentine Hugo, signature sur L'Œil cacodylate
Décembre 1921. Le cœur de Valentine « bat » pour Jean. Depuis son mariage avec l’arrière-petit-fils de Victor Hugo, elle semble moins produire. Darius Milhaud révéla en 1973 * quelques aspects de la période : « Pendant deux ans, nous nous retrouvâmes régulièrement chez moi, tous les samedis soirs. Paul Morand faisait des cocktails […] Il n’y avait pas que des compositeurs parmi nous mais aussi des interprètes […] ; des peintres : Marie Laurencin, Irène Lagut, Valentine Gross, la fiancée de Jean Hugo […] Après le dîner […] nous allions à la Foire de Montmartre, et quelquefois au cirque Médrano pour assister aux sketches des Fratellini qui dénotaient tant d’imagination et de poésie qu’ils étaient dignes de la commedia dell’arte. Nous terminions la soirée chez moi. » En 1947, dans le numéro 17 de la revue Graphis, Valentine Hugo signe un article sobrement intitulé « Jean Hugo : les décorations théâtrales » et fait revivre, de son côté, les premières années 1920 : « Avec ce que crée Jean Hugo, il y a toujours une sorte de conflit. Il circule dans ses inventions théâtrales […] un air vif et frais venant de loin, qui chasse la poussière des vieilles habitudes visuelles. Ses premiers projets pour le théâtre datent de 1921. C’était aussi l’époque de ses premiers tableaux tout rayonnants de lumière. Ils étaient de petite dimension, peints à la gouache, à l’œuf, ou à la tempera, avec cette aisance dénuée de petitesse qu’il apporte en tout ce qu’il dessine. […] Il y eut d’abord, en 1921, les projets de costume pour Mme Caryathis
La danseuse Caryathis
La danseuse Caryathis **
qui devait danser La Belle Excentrique d’Erik Satie. […] Cette même année, Raymond Radiguet, qui avait alors dix-sept ans ***, demanda à Jean Hugo de lui peindre la table de billard qui devait être le fond du décor de sa pièce Les Pélicans [sic] ; mais je laisse ici raconter Jean Hugo : “En mai 1921, on représenta Les Pélicans [sic]
Raymond Radiguet, Les Pélican, éditions de la Galerie Simon, Paris, mai 1921.
Pièce en deux actes illustrée d'eaux fortes par Henri Laurens.
au théâtre Michel dans le spectacle bouffe organisé par Pierre Bertin et Jean Cocteau. Il fallait un billard ; Radiguet me demanda de le dessiner. Je fis une petite gouache que je portai à l’atelier de décors, avec les dimensions que devait avoir le châssis. Le surlendemain, j’allai voir le décor exécuté : il me sembla beau. Les gouaches que je faisais alors n’étaient guère plus grandes que des timbres-poste et j’étais émerveillé d’en voir une agrandie à des proportions aussi monumentales. A la répétition qui suivit, on apporta sur la scène le billard, qui devait occuper le fond du théâtre. Il y eut un éclat de rire général. Le billard avait l’air d’une boîte d’allumettes. Il fallut le refaire beaucoup plus grand. Deux jours après, le rideau tomba sur Les Pélicans [sic] au milieu d’un grand silence et d’une profonde stupeur. Après le spectacle, Radiguet me dit avec sa gravité ordinaire : - C’est votre billard qui m’a perdu, il fallait le laisser petit comme il était d’abord ” ».
Pablo Picasso et Olga. En arrière-plan : Jean Hugo (Juan les Pins, circa 1926)
* Darius Milhaud, Ma vie heureuse, Paris, Belfond, 1973, p. 64.
** [Première rencontre [avec Marcel Jouhandeau] chez Marie Laurencin, d’Élisabeth-Claire Toulemon, dite Élise, née à Mariol (Galande, en littérature ), Allier, le 8 mars 1888. « Elle connaît d’abord une enfance triste et misérable, puis, élève de Staats, va faire carrière dans la danse sous le nom de Caryathis. Elle débute sur scène en 1911, au théâtre des Arts, dirigé par Rouché, dans Le Palais de Han de Laloy, avec pour partenaires Dullin, Jouvet, Escande. Prend part à diverses créations de Poulenc, Auric et Ravel, et surtout se taille un beau succès dans La Belle Excentrique d’Éric Satie (1925). Elle connaît cependant des aventures mouvementées, partage la vie intime de Dullin, se mêle à l’agitation de Montmartre et de la Rive gauche, fait la rencontre d’êtres exceptionnels : Nijinsky, J. Cocteau, P. Morand, M. Jacob, H. Herrand, R. Crevel, etc. Elle raconte cette existence aventureuse, alternant première et troisième personne dans Joies et douleurs d’une belle excentrique (Flammarion, 1952-1960).
Extrait du Dictionnaire bibliographique des auteurs creusois. A. Carriat.]
Le 4 juin 1929, Mariage à Saint-Honoré-d’Eylau. Témoins de Marcel [Jouhandeau]: Marie Laurencin, Gaston Gallimard et témoins d’Él(i) (y)se [Caryathis] : Jean Cocteau, René Crevel. Installation rue du Commandant Marchand, près de la Porte Maillot, jusqu’en novembre 1960.
http://www.rencontres-chaminadour.com/jouhandeau.php
*** Né le 18 juin 1903, Radiguet avait alors 18 ans.

22 juillet 2008

Elle m’envoya ensuite des livres … (Valentine Hugo I)

Au début des années 1910, Valentine Gross reçoit dans son appartement du quai Bourbon des personnalités très diverses. Chaque mercredi, c’est un peu la fête : Edgar Varèse, Maurice Ravel, Erik Satie, Marcel Proust, Léon-Paul Fargue, Jean Cocteau, Roger de la Fresnaye, pour ne citer que les têtes les plus connues, viennent converser et tenir compagnie à la future Valentine Hugo, qui à cette époque se consacre essentiellement à la gravure sur bois. En 1913, année où Valentine rencontre Maurice de Brunhoff (directeur de Comœdia illustré), rien n’est joué. Jean Hugo : « Un dimanche du mois de mars 1917, au cours d’une permission, j’étais retourné rue d’Athènes. Sur le canapé de cuir de la salle à manger (…) était assise une jeune femme au long cou, vêtue de taffetas noir et piqué de blanc. C’était Valentine Gross. Je connaissais ses peintures des Ballets russes mais je ne l’avais jamais vue (…). Elle m’envoya ensuite des livres et nous échangeâmes quelques lettres. (…) je lui rendais visite rue Montpensier, au Palais Royal, dans l’appartement où elle venait de s’installer. Paul Morand habitait au même étage de la maison voisine. » *

Jean Hugo, Valentine Hugo et Paul Morand, circa 1921

Le 7 août 1919, Jean Hugo et Valentine Gross se marièrent. Ils n’eurent aucun enfant. Le mariage est célébré à la mairie du Ier arrondissement de Paris. Valentine a choisi pour témoins Jean Cocteau et Erik Satie. [à suivre]

* Jean Hugo, Le regard de la mémoire, Arles, Actes Sud, 1983.

09 juillet 2008

Très rare (1917)

En parcourant des catalogues de libraires, j'ai pu récemment découvrir un ouvrage de Paul Dermée qui m'était inconnu jusque là. En attendant d'en savoir un peu plus sur le texte en question (j'espère que le libraire, qui propose ce livre pour la modique somme de 900 euros, aura l'amabilité et la patience de me fournir quelques informations supplémentaires), voici la description de l'opus issue du catalogue de la librairie Le Galet (75016 Paris) : Paris, Birault, 1917. In-8 broché, couverture imprimée, non paginé. Edition originale tirée à 225 exemplaires numérotés à la main (5 Japon, 20 Hollande, 200 Alfa vergé). L'un des 200 Alfa vergé en parfaite condition. Spirales appartient à ces quelques essais de cubisme littéraire auquel se sont aussi essayés Apollinaire, Reverdy et Max Jacob, tous trois amis de Dermée. Superbe typographie de Birault, l'imprimeur de Max Jacob. Très rare.

04 juillet 2008

Valentine et Jean

Entre avant-hier et aujourd’hui, trois volumes consacrés à Valentine Hugo me sont parvenus, et c’est encore un peu (beaucoup) de temps à passer que de comparer et recouper dates et anecdotes. « Dans de petits carnets, elle accumule les croquis des danseurs en mouvement et surtout de Nijinski qu’elle représente dans toutes ses danses : Shéhérazade (1910), Le Spectre de la rose (1911), Petrouchka (1911), ou L’Après-midi d’un faune (1912). C’est à partir de ses dessins “aide-mémoire” que moins de quatre ans après la première représentation des Ballets russes, elle peut exposer à la galerie Montaigne, à l’intérieur du tout nouveau théâtre des Champs-Élysées, ses “Etudes de danses d’après Karsavina, Nijinski, Isadora Duncan”. » Béatrice Seguin in Valentine Hugo. Ecrits et entretiens suivi de Valentine Hugo et le surréalisme. Actes Sud / Bibliothèque de Boulogne-sur-Mer, 2002, p. 11.
* * *
Pour l’heure, trouver un croquis de Valentine Hugo représentant Isadora Duncan serait une bonne affaire. Ceci constitue un appel ! Après plus d’une heure de recherche, il m’est impossible de remettre la main sur une couverture de L’Esprit nouveau reproduite dans un catalogue de vente. C’est donc un peu plus tard que j’évoquerai, à nouveau, Serge Charchoune.

Valentine Hugo, Raymond Radiguet et Jean Hugo (vers 1921)

Salle à manger de l'appartement [Valentine Hugo] du 11, rue Chateaubriand (circa 1922) © Vizzavona

01 juillet 2008

Iiazd (1923)

La monographie idéale présenterait en premier lieu son sujet sous la forme d’un document, d’une photographie, d’un fac-similé, et ce en l’absence de tout cadre discursif. On présupposerait un œil sauvage. Eventuellement précédé d’une courte introduction (puisque l’œil sauvage n’existe pas), le sujet serait donné à voir, tel quel, en l’absence de toute indication supplémentaire. Seule une direction de regard, une méthode de lecture, serait mise en avant, mais en l’absence de toute note de bas de page, de tout commentaire parasite. Evidemment, une grille serait déjà active et commencerait, déjà, à introduire le beau sujet. Viendrait ensuite l’exposé.




Ledentu le Phare, Iliazd, éditions Allia, Paris, 1995

S’il n’existe sans doute pas de monographie idéale, celle que publièrent les éditons Allia en 1995 s’en approche de très près. Ledentu le Phare, œuvre complexe composée par Iliazd

Couverture de Ledentu le Phare (Ilazd, 1923)

(Ilia Zdanevitch, 1894 - 1975) fut en effet reproduite par Allia. « Promenade autour de Ledentu le Phare », éblouissante et indispensable étude signée Régis Gayraud, analyse avec force détails l’opus précité. Plus de 70 pages d'analyse nous permettent d'appréhender l'importance d'un livre fondamental, publié à 530 exemplaires au début des années 20.

C’est avant tout à ce texte que je pensais en écrivant les premiers mots de ce billet. J’ai peu après repensé au dernier livre de Jean-Christophe Bailly, intitulé L’instant et son ombre. Autre étude de sujet, autre étude indispensable.

Jean-Christophe Bailly, L'instant et son ombre, Le Seuil, 2008.

Si, dorénavant installé, l’été avignonnais, avec ses 35 ° journaliers, a tendance à m’assommer, il ne m’empêche pas pour autant de me souvenir par la même occasion d’une autre somme, celle que signa André Chastel en 1983 et qui illustre à mon sens l’idée de monographie, d’étude pleine :

André Chastel, Chronique de la peinture italienne à la Renaissance (1280-1580), éd. Office du Livre, Fribourg, 1983