28 mars 2010

Vient de paraître

Les études sur les textes de Clément Pansaers ne sont pas légion. Dans son étude sur Le théâtre dada et surréaliste, Henri Béhar consacrait quatre pages aux Saltimbanques de Clément Pansaers et soulignait rapidement un cousinage du côté de chez Jarry :
« La seule pièce connue de Pansaers s’inscrit, par le sous-titre, par la mise en pratique de la Pataphysique, dans la ligne de Jarry, mais avec quel sens de la destruction en plus ! Pansaers ne cache pas sa dette : « Le Père Ubu, Le Surmâle, le Dr Faustroll (…) résument avec une puissance extraordinaire toute notre vie d’hier, d’aujourd’hui et de demain. » [C. Pansaers, « La vie à Paris », in Ça ira !, n° 17, mars 1922.] (1)
Ce texte m’ayant longtemps fait défaut, je suis allé le recopier il y a quelques mois dans la très studieuse salle de la bibliothèque Kandinsky. Mais voici qu’un éditeur belge, Chemins & Ruines (Bruxelles), vient de faire paraître (fin 2009 semble-t-il) Les saltimbanques « avec une présentation et un aggiornemento par quelques agents dormants du Parti imaginaire ». Ces derniers, longtemps après H. Béhar, avancent ceci :
« Le texte introuvable que nous rééditons ici présente toutes les caractéristiques formelles d’une pièce de théâtre. Et pourtant, ceci n’est pas une pièce. Pour les sceptiques, une didascalie extravagante placée peu avant la fin, ou cet avertissement, glissé dans une simili réplique : “ Peu perspicace est celui qui pense aussitôt à la scène.” »
Les deux textes qui accompagnent cette réédition des Saltimbanques de Pansaers (« Devant l’impossibilité d’une pensée isolée » et « Ceci n’est pas une pièce, mais un processus d’exorcisme ») comportent respectivement 32 et 14 pages au détour desquelles les « agents dormants » – très perspicaces quand il s’agit de démontrer que les textes de Pansaers souffrent, aujourd’hui encore, de l’estampille « dada », réductrice s’il en est dans le cas de l’auteur des Saltimbanques qui se serait bien passé de ce déterminisme historique – font preuve d’une virulence des moins pertinentes et des plus inutiles à l’égard de Marc Dachy (sans nommément le citer d’ailleurs) :
« Dans l’unique édition de ce recueil, l’incompétent en charge de l’établissement du texte (2) n’a pas jugé utile de conserver ce signe qui apparaît aussi dans les en-tête de sa correspondance, ou dans la gravure sur bois qui ouvre Le Pan-Pan au Cul du Nu Nègre. Ce qui revient à noter qu’il n’existe actuellement aucune édition satisfaisante du recueil intitulé Je blennorrhagie. » [note 16, page 42].
et, plus loin :
« Mais pour l’unique réédition du Point d’orgue programmatique pour jeune ourang-outang, l’idiot civilisé chargé d’établir le texte (2) a jugé bon de rectifier l’orthographe barbare de son Dada en “ orang-outang ”. » [note 17, page 43].
Ces deux remarques sont particulièrement regrettables car Marc Dachy est la personne qui en France a permis au plus grand nombre de découvrir Clément Pansaers, notamment en établissant l’édition de Bar Nicanor et autres textes dada chez Gérard Lebovici (1986).
Par ailleurs, sous réserve de vérification des sources, changer « ourang-outang » en « orang-outang » ne nuit aucunement à l’approche ni à la compréhension du texte en question. Le français de Pansaers était parfois hésitant, parfois fautif, même, à en examiner de près, par exemple, son « Novénaire de l’attente » et il n’est pas anormal, dans ce cas précis, de rétablir l’orthographe indiquée.
Quant au « signe »
C. Pansaers, gravure sur bois illustrant Le Pan-Pan au Cul du Nu Nègre (1920) - détail
C. Pansaers, en-tête d'une lettre adressée à Tristan Tzara (18.12.1920)
évoqué par les « agents dormants », la notation musicale de reprise da capo, qu’aurait omis de reporter Marc Dachy dans son édition, il faudra bien qu’on nous le décrive plus précisément. En ce qui me concerne, je ne lis que le monogramme « CP » ou « PC » qu’utilisait Pansaers tout simplement pour … signer – et non « DC » pour da capo, ce qui me paraît être une surlecture d’autant plus fautive qu’elle est doublée d’un « incompétent en charge de l’établissement du texte ».
Enfin, juste une petite remarque en passant aux « agents dormants », ici un peu endormis : il n’existe pas de « Pistons d’air » chez Duchamp (leur remarque, page 15), mais des « Pistons de courant d’air » (eh oui, ça change tout !). Quant à « l’actrice Isadora Duncan » (leur remarque, page 23), il me semble utile de préciser qu’elle était plutôt … danseuse. Il est vrai qu’une petite erreur est bien vite arrivée.
Pour l’heure, il reste encore quelques textes de Pansaers à republier. Ceux publiés sous le pseudonyme de Julius Krekel en 1910 ne semblent pas encore avoir suscité la curiosité d’un traducteur. "Arlequinade", "Brève incursion dans le Blockhaus de l’artiste", "Méditations de carême" et le très beau "Novénaire de l’Attente" demeurent quasiment inconnus et très difficiles d’accès pour ceux qui en ont entendu parler. Pour pallier ce vide éditorial (qui ne concerne qu’une poignée de lecteurs, mais, qui sait ?…), j’ai il y a peu envoyé le "Novénaire de l’attente" à quelques personnes de mon entourage.
Pour une approche de Clément Pansaers, on se reportera utilement, comme disent les études sérieuses, à l’article de Georges-Henri DumontRésurrection (1917-18), une revue wallonne d’avant-garde sous la première occupation allemande ») et, bien sûr, à l’article de Marc Dachy « Résurrection de Clément Pansaers » (3).
Le prochain post sera sans doute consacré au reprint du Picabia par Marie de la Hire, désormais disponible grâce à Kessinger Publishing.
Je prendrai également le temps de mettre en ligne Les Saltimbanques de Pansaers et de parler, quand je l'aurai lu, du prochain livre de Marc Dachy (que je n'ai jamais rencontré mais qui m'a immédiatement répondu par courrier quand je lui ai posé une question sur Pansaers il y a déjà quelques années), intitulé Exposer Dada (Transédition).
(1) Étude sur le théâtre Dada et surréaliste, Gallimard, coll. Les Essais, 1967. Rééd. coll. Idées, nouvelle édition revue et augmentée, 1979.
(2) Je souligne.
(3) Introduction au reprint des numéros de Résurrection, éditions Jacques Antoine, Bruxelles, 1973.
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Perdre des théories (Enrique Vila-Matas),
c’est bien ce qu’il me fallait afin de pouvoir me replonger dans des textes où il ne serait plus question de Dada, de Picabia et de références d’articles qui à la longue m’empêchaient littéralement l’accès à toute littérature. A la suite de Journal volubile et Docteur Pasavento, je viens de refermer Dublinesca.
Après trois volumes enchaînés les uns après les autres, l’impression d’avoir lu un même texte me confirme que Vila-Matas est un authentique auteur (Le mal de Montano demeure sans doute son meilleur texte), comme Pierre Senges, dont vient de paraître
Etudes de silhouettes, mince volume si on le compare à son Lichtenberg, mais assurément du plus grand intérêt.
Dans L’homme qui tua Roland Barthes,
Thomas Clerc (on lui doit Maurice Sachs le désœuvré et l’édition des cours de Barthes consacrés au Neutre), on trouve un long portrait d’Edouard Levé, auteur de Suicide récemment paru en Folio.
C’est au moment où je repensais régulièrement
à la Défaite de Pierre Minet que les éditions Allia le font à nouveau paraître (leur première édition remonte à 1994). Une petite déception toutefois : si la notice de ce volume annonce « une édition augmentée de témoignages de Jean Paulhan, Léon-Pierre Quint et Antonin Artaud », le lecteur perspicace ne les trouvera malheureusement pas.
« (…) ce temps faux où l’on couvrait tout de strass et de nylon, de shit et de coke, de cancer et de sida, glasnost et aérobic », peut-on lire
dans Tarzan Boy, sous-titré Une chanson-drame et constituant, avec M’man et Miss Electricity, l’ensemble intitulé Modane de Fabrice Melquiot où l’évocation des années 80, qui certes ne constitue pas tout le propos, est très juste et très touchante, notamment les deux listes de noms et de prénoms de camarades de classe.
S’agissant d’une traduction de l’allemand, j’en déduis que la langue de départ doit être très belle – et la traduction de qualité :
Dames & Messieurs sous les mers
de Christoph Ransmayr révèle à coup sûr un auteur.
Enfin, c’est en allant rejoindre Jacques Floret au salon Chic dessin (60, rue de Richelieu, 75001 - jusqu'au 29 mars), à son invitation et parce qu’il y expose les dessins de son dernier livre intitulé
Dessin issu de Oh ! le bel été © J. Floret / Derrière la salle de bains éd.
Oh ! le bel été (Editions Derrière la salle de bains) que ce dernier m’a offert Les Solennels (textes de Jacques Vaché et Jean Sarment) paru chez Dilecta, éditeur dont l’éclectisme nous propose depuis peu la revue Proverbe en fac-similé mais également
Rachel & Rosco de Jacques Floret qui propose près de 80 dessins représentant chacun une femme accompagnée de son chien et réalisés à l'aide d'un stylo bille quatre couleurs.
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