Exercice périlleux que de parler de Cocteau en quelques lignes : la chasse aux lieux communs mille fois rebattus est de rigueur. Cocteau-le-dandy-imposteur-touche-à-tout, etc. Le nom de Cocteau est associé à Dada dès 1919, année où paraissent ses 3 pièces faciles pour petites mains dans Dada n° 4-5 dirigé par Tzara. Ennemi juré de Breton, rejeté des colonnes de Littérature, chahuté par Picabia et bien d’autres, Cocteau crée sa propre revue (Le Coq, qui ne comptera que quatre numéros, parus entre mai et novembre 1920) au sein de laquelle on retrouvera certains signataires déjà présents dans les pages de Littérature et de 391. On comprend la différence essentielle entre ces pistolets irrévérencieux et cet esthète, souvent affecté * qui préférait le jazz aux manifestations bruyantes et/ou bruitistes de son époque. Les Dadas voulaient rire, Cocteau, lui, voulait faire la fête. Son côté clubbing et son entregent ont transformé un café parisien en une brasserie branchée battant des records de fréquentation : c’est bien à ce Zélig que Le Bœuf sur le Toit dut en partie son grand succès à l’aube des années vingt. Dans son Jean Cocteau. Qui êtes-vous ?, J. Touzot note : « [1922] 21 novembre. Enterrement de Proust, suivi avec Radiguet.** Sur le trajet du convoi funèbre, arrêt-crêpes au “ Bœuf sur le Toit ”. » *** Un arrêt-crêpes au Bœuf sur le Toit ! Un ARRÊT-CRÊPES ! Impayable Jean Cocteau !
Demain, pause-pipi à La Coupole. * Tout bien pesé, l’affectation de Cocteau n’avait rien à envier à celle de Breton (et réciproquement) : si l’un choisit la pose, l’autre choisit la posture.
** Dessiné ici par Valentine Hugo. *** Ed. La Manufacture, 1990, p. 228. Ah !, vraiment, merci Monsieur Touzot, pour cette info de premier ordre qui me met de bonne humeur pour toute la soirée. Un ARRÊT-CRÊPES au Bœuf sur le Toit à l’enterrement de Proust, ces mots me font rire et résonnent avec une étrangeté qui m’échappe encore à l’heure de ce post. En quelques mots, un précipité d’histoire contemporaine, ce doit être cela.