17 août 2006

Clichés d'un lieu mythique

Alors que je ne l’attendais plus, j’ai reçu ce soir le catalogue de l’exposition Au temps du « Bœuf sur le Toit ».

Satisfait (pour y avoir découvert quelques documents que je ne connaissais pas), un peu déçu (de ne pas y trouver, par exemple, la reproduction de la pièce 249 de l’exposition : Carte des champagnes du « Bœuf sur le Toit » illustrée d’un dessin de Jean Cocteau) et soulagé (de constater que les notices de quelques signataires de L’Œil Cacodylate demeurent relativement brèves). Etonné d’y trouver la reproduction d’une gouache de Jean Hugo (malheureusement en noir et blanc), une de ses dernières productions, et justement consacrée à l’intérieur du Bœuf sur le Toit (côté Bar).

Jean Hugo, Souvenir du Bœuf sur le Toit, avril 1981

Dans sa gouache, Jean Hugo a représenté L’Œil Cacodylate (sur lequel je crois reconnaître les noms de Tzara, Milhaud et De Massot) accroché au mur de droite, près du piano sur lequel jouèrent Clément Doucet, puis Jean Wiéner, lequel composera la musique du film Touchez pas au grisbi en 1954. Détail d’importance, et qui vient contredire la légende d’une des rares photographies (1924 – Man Ray ?) prises à l’intérieur du Bœuf sur le Toit :

« On reconnaît à gauche, assis sous L’Œil Cacodylate de Picabia, Louis Moysès […] Or, depuis la découverte de cette photo il y a quelques mois, il m’a toujours semblé que Louis Moysès était tout simplement assis sous un miroir. Une reproduction agrandie de cette photo figure dans le catalogue Artcurial et permet de constater les reflets des bouteilles alignées sur le bar. Mais il est probable que L’Œil ait été protégé par une glace. Doit-on se fier à la mémoire de Jean Hugo, qui place donc L’Œil sur le mur de droite ? Insignifiants détails !

Enfin, autre surprise, ce dessin accompagné d’un portrait collage, réalisé par Maurice Sachs en 1925 : « A mon cher Raoul [Leven] pour qu’il pense à moi et au [Bœuf sur le Toit] pendant son beau voyage. »

J’ai relevé, une fois de plus, les mêmes regrets, les mêmes souvenirs évoquant Le Bœuf sur le Toit, à croire que ce lieu, en ces quelques années vingt, fut le théâtre d’une vie magnifique et insouciante. J’ai repensé au texte de Roland Barthes (Au "Palace" ce soir - 1978 - Œuvres complètes, tome V, pp 456-458, Le Seuil)

et me suis demandé ce que pouvait bien être un lieu mythique (ce que fut Le Bœuf sur le Toit) aujourd’hui.