06 janvier 2009

Je vous attendrai toujours demain, vendredi, aux 2 Magots Bd St Germain – à 3 heures

Quelques nouvelles de Clément Pansaers (le gentil), au travers de cette lettre (retranscrite ici en partie) [1] adressée à Tristan Tzara le 9 mai 1921 :

Retient [ne tient ?] pas de me voir – J’ai pris, naturellement à la lettre le reproche de Breton : que mon milieu n’est pas le sien [2] J’ignore encore s’il a traduit la pensée de vous tous [3] – Je ne suis pas allé au vernissage Max Ernst –

Annonce pour l'exposition Max Ernst parue dans Littérature n° 19 (mai 1921)

n’ayant pas été invité et vu l’attitude au Sans Pareil – Les amis – [deux mots illisibles] Je tiens évidemment – comme toujours – à mon libre arbitre – et au droit d’exprimer franchement ma façon de voir, entre amis – tout en respectant les opinions de ceux-ci – Je suis péniblement impressionné de ce qu’aussi Aragon ait l’air de prendre l’incident au tragique – lui, cependant, me connaît un peu mieux – et surtout mon état tant physique que moral lamentable – Enfin ! – Je vous attendrai toujours demain, vendredi, aux 2 Magots Bd St Germain – à 3 heures – Bien affectueusement C. Pansaers Dans cette lettre, Clément Pansaers semble froissé par l’attitude d’André Breton (le méchant) dont il souligne le caractère par deux fois. « J’ignore encore s’il a traduit la pensée de vous tous » serait une phrase sibylline si je ne me souvenais (en partie) du témoignage d’un des proches de Breton, éconduit au moment où il se présenta chez lui : « Je suis en train de manger des artichauts, je ne suis pas en mesure de vous recevoir ». [4] Mais prendre Breton comme cible toute trouvée,

André Breton en homme-cible. "Festival dada", Théâtre de l'Œuvre (26 mai 1920)

après tant d’années, n’est pas une solution, car il ne faut pas oublier qu’il fut un œil, à sa manière, et que son sens esthétique éclaira ses contemporains sur l’art de leur temps. André Breton fut également un auteur de premier rang, maniant la langue française au point d’égaler Bossuet et Saint-Simon : « Pourriture, vache, enculé d’espèce française, mouchard, con, surtout con, vieille merde coiffée d’un bidet et mouchée d’un grand coup de bite. » [5] Les quatre tomes de la Pléiade permettront cependant aux boys du sévère de se faire une idée un peu plus précise au sujet du mangeur d’artichauts. [1] © Bibliothèque Jacques Doucet. Document reproduit dans Marc Dachy, Archives dada / Chronique, Hazan, 2005, p. 315. [2] et [3] souligné par Clément Pansaers. [4] Je cite de mémoire. [5] André Breton à Jean [Guérin] Paulhan, à la suite de la publication par ce dernier de son article du 1er octobre 1927 dans la NRF. Cité par Robert Kopp in Album André Breton, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2008, p. 141.