Le 14 mars dernier, Jean Daive a consacré son émission Peinture fraîche * à l’exposition Duchamp, Man Ray Picabia, qui se tient actuellement à Londres. ** Une mise en bouche de près de soixante minutes au cours de laquelle interviennent Sarah Wilson et Bernard Marcadé, mais aussi, sous la forme d’extraits d’entretiens radiophoniques, trois des plus illustres signataires de L’Œil cacodylate. J’ai retranscrit l’entretien de Man Ray, que je livre ci-dessous à l’état brut.
- J’aimerais que vous nous disiez, cher Man Ray, comment Dada vous a marqué, par exemple sur le plan de la libération, est-ce que Dada vous a apporté quelque chose, est-ce que Dada vous a rendu plus libre sur le plan créateur ? [sic]
- Non, je ne crois pas, je crois que c’est moi qui ai rendu Dada un peu plus libre. J’avais déjà commencé en 1912, quand j’ai quitté les Beaux-Arts, à New York. J’étais furieux, j’ai même renoncé à faire de la peinture, j’étais tellement mauvais sujet, mauvais élève, que le professeur m’a conseillé d’abandonner mes efforts. Je ne valais rien du tout, je ne ferai jamais de peinture qui vaille quelque chose, alors je l’ai pris aux mots, je suis parti, mais quelques semaines après, la rage m’a pris de faire de la peinture. J’ai commencé à peindre, n’importe quoi et n’importe où, je peignais mes rêves, en 1912, et c’était bien avant Dada, ou le surréalisme, même.
- Pour vous, Dada, qu’est-ce que cela représente exactement ? Qu’est-ce que Dada a représenté tout d’abord ?
- Un départ de la peinture, de l’art, un échappement, une évasion de l’art. Comme je le [voyais] autour de moi, comme tout le monde le pratiquait, les peintres, les marchands de tableaux, les collectionneurs, j’étais contre tout ça. Je voulais créer quelque chose qu’on ne pouvait pas exposer dans une galerie, j’ai fait tous les efforts pour cela. J’ai fait de la peinture au pistolet, je les exposais, j’étais bien engueulé pour ça, par tous les critiques. Je faisais de la peinture très réaliste avec des objets qui n’avaient pas de valeur ni de patine, je prenais des sonnettes, un fer à repasser …
- Donc Dada vous a rejoint, si je puis dire ?
- Alors après, quand on a su, à Paris, avec Duchamp on écrivait, on était en correspondance avec Paris. *** Tzara m’a envoyé des lettres, Soupault, pour que j’envoie quelque chose à Paris, pour leur revue, puisque nous suivions la même tendance à New York.
[…]
* L’émission est podcastable sur le site de France Culture.
** Les moins septentrionaux d’entre nous opteront pour Barcelone, où l’exposition se tiendra du 19 juin au 21 septembre.
*** La lettre de Man Ray la plus citée est celle du 8 juin 1921, adressée à Tristan Tzara et signée Man Ray / directeur du mauvais movies. (Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, fonds Tzara, Paris). Six mois séparent la signature de cette lettre et celle de L’Œil cacodylate par Man Ray.
Man Ray, photogramme, New York, circa 1920
[…]- J’aimerais que vous nous disiez, cher Man Ray, comment Dada vous a marqué, par exemple sur le plan de la libération, est-ce que Dada vous a apporté quelque chose, est-ce que Dada vous a rendu plus libre sur le plan créateur ? [sic]
- Non, je ne crois pas, je crois que c’est moi qui ai rendu Dada un peu plus libre. J’avais déjà commencé en 1912, quand j’ai quitté les Beaux-Arts, à New York. J’étais furieux, j’ai même renoncé à faire de la peinture, j’étais tellement mauvais sujet, mauvais élève, que le professeur m’a conseillé d’abandonner mes efforts. Je ne valais rien du tout, je ne ferai jamais de peinture qui vaille quelque chose, alors je l’ai pris aux mots, je suis parti, mais quelques semaines après, la rage m’a pris de faire de la peinture. J’ai commencé à peindre, n’importe quoi et n’importe où, je peignais mes rêves, en 1912, et c’était bien avant Dada, ou le surréalisme, même.
- Pour vous, Dada, qu’est-ce que cela représente exactement ? Qu’est-ce que Dada a représenté tout d’abord ?
- Un départ de la peinture, de l’art, un échappement, une évasion de l’art. Comme je le [voyais] autour de moi, comme tout le monde le pratiquait, les peintres, les marchands de tableaux, les collectionneurs, j’étais contre tout ça. Je voulais créer quelque chose qu’on ne pouvait pas exposer dans une galerie, j’ai fait tous les efforts pour cela. J’ai fait de la peinture au pistolet, je les exposais, j’étais bien engueulé pour ça, par tous les critiques. Je faisais de la peinture très réaliste avec des objets qui n’avaient pas de valeur ni de patine, je prenais des sonnettes, un fer à repasser …
- Donc Dada vous a rejoint, si je puis dire ?
- Alors après, quand on a su, à Paris, avec Duchamp on écrivait, on était en correspondance avec Paris. *** Tzara m’a envoyé des lettres, Soupault, pour que j’envoie quelque chose à Paris, pour leur revue, puisque nous suivions la même tendance à New York.
[…]
* L’émission est podcastable sur le site de France Culture.
** Les moins septentrionaux d’entre nous opteront pour Barcelone, où l’exposition se tiendra du 19 juin au 21 septembre.
*** La lettre de Man Ray la plus citée est celle du 8 juin 1921, adressée à Tristan Tzara et signée Man Ray / directeur du mauvais movies. (Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, fonds Tzara, Paris). Six mois séparent la signature de cette lettre et celle de L’Œil cacodylate par Man Ray.